Numéro d'édition: 3507
Lettre de Félicien Rops à [Auguste Poulet-Malassis]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Auguste Poulet-Malassis
1825/03/16 - 1878/02/11
Lieu de rédaction
Monaco, Villa Bella (Chez Camille Blanc)
Date
1876/02/05
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
PU/LE/018
Collationnage
Publication
Date de fin
1876/02/05
Illustration
Lettre illustrée
Aucune image
Mon cher Malassis,
Donnez-moi de vos nouvelles, je vous prie, comment vous portez-vous et quel temps fait-il à Paris ? Je vous écris du coin du feu et par un joli mistral (on dit – « inistrao » ici), qui me fait regretter le climat de la rue du Bac. Je travaille, je suis bien installé et il va falloir « tomber cette canaille de Musset », comme l'intitulait Silvestre. J'ai herborisé un peu sur le mont Agel qui domine Monte-Carlo, rien de nouveau, la saison n'est pas avancée, il n'y a pas encore de fleurs, hormis une petite sauge violette qui croit dans toutes les fentes de rochers, le bel arum italicum, partout où il fait un peu plus frais et, surtout, sous les oliviers (du reste, notre arum maculatum doit fleurir à peu près en même temps que lui, dans nos bois), et un petit réséda, très odorant et fort joli, qui doit être le réséda vrai, que l'on cultive dans les jardins aux environs de Paris. Dans les jardins, abondance de fleurs, presque toutes les plantes de serre froide à l'air libre. Il a gelé en janvier et un très beau lycas, un palmier d'Australie, je crois, n'a pas résisté. Mon opinion sur Monaco et sur les côtes liguriennes n'a pas varié. C'est du faux Orient. On gèle à l'ombre et l'on a quelquefois trop chaud au soleil. C'est une température extrêmement variable et lorsque le mistral souffle, on ne sait où se fourrer, on gèle dans les maisons. Il ne fait franchement bon ici qu'au mois de mars. Cela n'empêche pas d'avoir des journées merveilleuses, mais à l'ombre il y a toujours un fond de froid. Banville a célébré la mer de Nice, et il a eu raison, mais évidemment la chaleur de l'inspiration avait élevé la température. J'ai ici son livre ; quand j'ai froid, j'ouvre et je commence :
« C'est ici que je vois distinctement flotter les robes bleues des Sirènes, etc., etc., etc. » Au bout de dix lignes, je n'ai plus besoin de me souffler dans les doigts. Il n'y a que cela de véritablement chaud ici, je vous l'assure.
À propos de Banville, Gouzien me dit qu'il a écrit quelques lignes charmantes à mon endroit, relativement à la publication des aqua-fortistes de Cadart ; j'en suis fort touché et charmé, d'autant plus que j'ai à son égard une foule de reproches graves à me faire. Envoyez-moi s'il vous plait son adresse, afin que je lui envoie quelques mots de remerciement.
J'espère que le printemps qui s'avance va vous apporter meilleure santé et que l'été complétera la cure.
J'attends de vos bonnes nouvelles.
À bientôt, mon cher ami.
Je vous serre bien la main et j'envoie mes bonnes amitiés à Fanny.
Félicien Rops
chez Mme Camille Blanc,
Villa Bella,
Monte-CarJo,
Monaco.
Le 5 février 1876.
Si vous avez une idée à propos du Frontispice Musset envoyez s.v.p.
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