Lettre de Félicien Rops à [Maurice Bonvoisin]

Page 1 Recto : 1

Retrouvée ta lettre : c’est trop violent ! Ma concierge ne l’avait pas mise à la poste, elle est venue toute pleurnichante m’avouer son forfait « Elle l’avait « remise » à une femme de chambre de la maison qui l’avait « remise » à la servante de l’Épicier laquelle l’avait oubliée la susdite lettre dans sa mansarde !. Est ce assez stupide !! ‒ Je t’envoie le Cuisinier au Paon & le premier état – introuvable de la

Femme du Gâtinais

dans l’état définitif il a été gravé les mots : Les Recloses 1874. Cela te fera la petite différence à noter : Puis il y a une sorte de fond indiqué & de nouveaux travaux.

‒ Le croquis que tu as, a été fait aux Recloses, village de la Foret de Fontainebleau à ¼ de lieue de la Foret, « découvert » par moi !! Les peintres routiniers n’y avaient jamais été, se contentant des lieux habituels : Barbizon, Chailly, Montigny, Marlotte, Achères &c &c. Les Recloses sont

Page 1 Verso : 3

ou plutôt est, une merveille de sauvagerie. ‒ Tu t’es trompé, ou moi je me suis trompé Je ne t’ai pas mis trois états mais deux. Je ne pouvais pas t’en mettre trois n’ayant que cela ici. Je t’aurai écrit : « Femme assise » un état rare de En prenant le Thé, voulant parler de la même pièce.

Le Cuisinier au Paon est encore plus rare. C’est un menu pour Camille blanc (dîners officiels). ‒ Il en a pour tous les dîners.

Tu me ferais plaisir de m’envoyer la photographie de « La Saisie » & la photographie du « Scandale » en échange du premier état de la gravure du Scandale que je viens de faire tirer, & que je t’enverrai en retour de ces deux photographies avec les deux dessins de Pêcheur & Pécheresse & le dessin d’en-tête de romance. ‒ Je ne ferai tirer que deux ou trois épreuves du premier état de cette planche. ‒ Je tiens à avoir la photographie de ces deux dessins. ‒ Du reste maintenant je ferai, d’après ton conseil qui est bon, photographier mes dessins avant leur départ de l’atelier & je t’en enverrai des épreuves.

Tu m’as mal compris Mon Cher Ami lorsque tu as cru que je te proposais une nouvelle affaire avant d’avoir terminé les anciennes. Tu te trompes. ‒ Je te dois ce 9 juillet 1879 :

le portrait de Mocquart

la collection de En prenant le Thé – complète.

Le dessin de Pêcheur & Pécheresse

Le dessin d’entête de Romance

700 frs sur la Collection Picard.

Il y a longtemps que je t’aurais envoyé les 2 dessins Pêcheur &c & l’En-tete mais je le grave cet en-tête dans ce moment.

Voilà tout. ‒ Je n’ai rien à te proposer. Tu as jusqu’en 1874-75 époque des premières gravures de En pr. le T.Tout ce que j’avais d’eaux-fortes des époques antérieures. ‒ Mais il y a a Thozée évidemment beaucoup d’états de ces En pr. le Th. puisque je les gravais là, d’après les dessins & que j’y avais ma presse. ‒ Puis des planches autres, &c &c laissées là, & des choses

Page 1 Recto : 4

curieuses j’en suis certain. ‒ Dans six mois ou un an, ou dans trois mois dès que j’aurai le temps ! j’irai vider Thozée & j’en ferai « une collection » pour toi ou pour Picard ou pour Olin, ou simplement pour la faire & réunir ces débris ; mais je n’ai pas eu l’intention de te parler de cela en te proposant un échange. ‒ Je ne te parlais « d’échange » qu’à propos de ta plaquette sur Rops, dans le cas où Noilly & Olin n’auraient pu s’en procurer dans ce cas je te proposais ou j’allais te proposer de m’en envoyer deux exemplaires contre trois états rares des menus de Camille Blanc. ‒ Voilà tout.

Je te donnerai l’En pr. le T complet état définitif. Les deux premiers états que tu as la femme du Gâtinais et la lettrine de Tobyn (je ne me rappelle plus si l’on écrit Tobyn avec un N ou avec deux !) sont deux premiers états excessivement rares dont je te fait cadeau en dehors de la collection promise, dans laquelle tu trouveras les états définitifs de ces planches qui ont eu toutes assez bien d’états, tirés à Thozée, chez Bawens, à Paris chez François, chez Salmon pendant les apparitions que j’y faisais. ‒ Je n’envoyais pas les cuivres à

Page 2 Recto : 5

Malassis pour une bonne raison, c’est que Malassis m’eut demandé des épreuves et je m’étais engagé à n’en point donner. Les 2 états que tu as ont été tirés par moi à Bruxelles avec la presse de Seghers un tireur disparu qui a tiré les Légendes Flamandes – lorsque j’étais refugié dans l’atelier de la rue Lefrancq. – Je n’étais déja plus rue de la Loi – J’allais de Thozée à la rue Lefrancq & de la rue Lefrancq à un petit atelier que j’avais loué au 2 de la rue Mosnier. ‒Ces détails pour te bien préciser l’époque : 1874-1875. – C’est à Paris en 1874-75 que j’avais retrouvé Tobynn, avec lequel j’avais été aux Jésuites à Namur. ‒ Il était lié avec La Charlerie & Brion. – On prenait le Thé chez lui, La Charlerie souvent avec moi, Brion rarement. On dessinait sur tout ce que l’on trouvait.

‒ Il collectionnait ce brave Tobynn, Il avait tout Braquemond et tout Méryon. Il me proposa l’En pr. Le T. à des conditions aimables ‒ Il voulait quelque chose à lui. Puis il est parti pour Londres et pour l’Angleterre laissant une partie des plaques chez un ami commun et le reste inachevé dans mes mains. ‒ Je n’ai reçu qu’une partie du prix convenu & même une partie peu importante relativement. Après six ans et plus de nouvelles malgré les nombreuses lettres écrites et restées sans réponse depuis déja longtemps, je crois avoir le droit de faire ce que je veux de ces plaques. C’est

Page 2 Verso : 6

aussi l’avis de Barrows l’ami de Tobynn qui lui non plus n’est pas plus renseigné que moi sur ce qui a pu lui arriver. ‒ Du reste si j’avais du désagrément de ce côté, il y a un moyen simple et désintéressé de trancher la chose c’est de faire, moyennant payement de ma dette, une autre collection de même valeur. ‒ Cela me paraît simple & de la plus grande honneteté.

La planche que tu as n’est pas le frontispice de En pr. le Thé mais une lettrine ex-libris de grandes dimensions gravée pour les volumes de nudités de Tobynn. Il avait une collection très belle de grandes nudités gravées au burin d’après les maîtres Italiens reliées en six ou sept volumes & je lui avais gravé cet ex-libris pour être collé sur les gardes, tiré sur parchemin en rose. Ce qui a été fait. Il a cette plaque avec lui dans le Je ne sais où où il perche. ‒ Donc c’est une planche plus rare que les autres et qui devra disparaître de la collection avec deux ou trois autres.

En voilà du bavardage ! ‒

Page 3 Recto : 7

Page 3 Verso : 8