Numéro d'édition: 2868
Lettre de Félicien Rops
Texte copié
N° d'inventaire
II/6655/469/55
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
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Mon Cher Vieux,
Enfin soit, – tu trouvais que « tu n’es pas là pour défendre ce que tu criais sur les toits qu’il fallait défendre depuis Wagner jusqu’à Millet, il y a trois ans, –
C’est ton opinion, n’en parlons plus ; cela ne valait pas la peine d’écrire des manifestes dans l’Art Libre & de tomber Siret dans la Chronique. Tout est bien, Slingeneyer est Dieu & Fétis est son prophète.
Du moment où Ménager est mort ! Je m’en tirerai comme je pourrai All right ! comme dit Oxley. Causons de nos petites affaires.
Gouzien a raison – seulement Gouzien ne savait pas & ne sait pas la position de Lemerre & doit effectivement s’étonner. Tu verras si en Janvier le Musset ne suivra pas son cours. Rien n’est « lâché » ni Lemerre ni Musset. Quant aux dettes Brassinne est entièrement payé & content – quant on a dépensé depuis l’âge de seize ans pour cinquante mille frs de vêtements chez un tailleur, on peut le faire attendre un an le payement d’une dernière note. Affaire faite. Le Singe, Ottevaere & Mme de Bavay restent. Il y en a en tout pour 200 frs, tu vois que ce n’est pas la mort d’un homme. Au Singe d’or fait moi le plaisir de porter les vingt francs du bateau. sur les quarante francs de ton compte (nous parlerons tout à l’heure du bateau). J’écris à Ottevaere pour savoir ce que je lui dois, j’ignorais tout à fait & j’ignore encore l’existence de cette dette dont je ne m’explique pas la naissance. –
Mme de Bavay sera payé dans un mois, quant
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à Gentil, la dette du journal la Chronique m’étonne plus que celle d’Ottevaere qui doit avoir été créée par Liesse à l’époque des Buveuses d’absinthe. Je lui écris aussi. Tu vois que je fais tous mes efforts pour en sortir.
« Tu vois dis-tu, qu’en parlant de ma femme, qu’elle ne veut entendre parler de moi » – je ne sais sur quoi tu bases cette opinion, d’autant plus que tu ajoutes que c’est « à cause de mes façons d’agir actuelles » Mes façon d’agir actuelles sont celles d’un travailleur j’espère & rien de plus. J’ai vendu cette année :
– Un tableau à l’avocat Picart
– Deux tableaux à Mme Claës de Lembecq.
– Un grand tableau – vieille Flamande grandeur nature que Gouzien trouvait « merveilleuse » à Gérard le marchand de tableaux de la rue Lafayette.
– Un tableau de Monaco à Camille Blanc
J’ai gravé : deux eaux fortes pour le livre de Millet
– trois eaux fortes pour le Musset
– une grande eau-forte pour Cadart
– La cuisine Wallonne & une demi douzaine de petites planches dans le genre de celles de la Chrysalide.
– J’ai dessiné le frontispice du Journal de Gouzien & une douzaine de dessins répandus dans Paris sans compter une trentaine d’études peintes & toute la préparation du Musset & la planche de « l’Oliviérade » qui est à moitié gravée.
– J’ai peint – travail d’un mois ½, l’éventail de noces de la Princesse Radziwill et dessiné le brevet du Tir au Pigeons de Monaco. Le frontispice du Musset seul m’a tenu un bon mois. Depuis deux mois je ne bouge pas d’Anseremme et j’y ai fait de bonnes études qui me serviront cet hiver. – Je trouve que tout cela fait un paquet de besogne assez sérieux ! – Voilà ce que tu appelles « mes façons d’agir actuelles ». – Mieux que cela je te dirai à toi que si je suis venu tard à Anseremme c’est pour éviter le grand tra la la du mois de septembre & que mon nom ne soit pas mêlé aux
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histoires de femme. C’est de la sagesse ou je ne m’y connais pas. Voilà mon bilan de l’année, j’espère faire mieux l’an prochain mais je trouve que cela n’est pas mal deja comme rénovation.
Tu m’étonnes à propos du bateau ! J’ai répété trois fois à différentes reprises le jour du Blocmont : « Voyons oui ou non prenez vous le bateau d’Édouard. » vis à vis d’Edmond, de Fontaine, qui est ici et se le rappelle naturellement, & de Maurice. – Je me fiche du bateau d’Édouard & je suis celui qui s’en servira le moins. – J’ai voulu vous faire faire une bonne affaire et voilà tout ! – Quant à croire comme tu le dis que Edmond prenait ce bateau en échange de sa dette c’est enfantin de croire cela et puis quoi ? – Il fallait payer à Edmond 350 frs montant de sa dette, le bateau que nous payons 200 ? – Et le bateau n’appartenait plus à Édouard du tout, lorsque nous avons été à Sallezinnes pour le prendre avec Fontaine, Mlle Jenny Rops nous a dit : « Messieurs ce bateau est à moi, la veille de son départ pour Paris Édouard me l’a vendu pour 200 frs. Je veux bien vous le céder à ce prix, mais voilà tout. » – Si Edmond s’était présenté pour prendre le bateau qui était au hangar des Rops on l’aurait envoyé promener. Du reste tout cela a été dit dix fois depuis un mois. Le bateau a coûté 480 frs avec son mat, voiles &c &c. nous l’avons pour deux cents, il a servi trois mois il est entièrement neuf. Je ne trouve pas cela si bête. D’ailleurs si tu trouvais le marché désagréable il valait beaucoup mieux dire que vous n’en vouliez pas tout simplement. Je n’ai aucun intérêt à avoir ce bateau seulement il faut remarquer que nous avons payé ensemble – j’ai fait le compte hier cent & onze francs de location à Wanty ! J’ai payé 42 francs pour ma part. Il est vrai que pour peindre je m’en suis servi tous les jours.
Quant au Gig, tu sais bien que ce n’est jamais moi qui renacle pour remettre un bateau, je passe mon temps à vous engueuler à ce sujet. Le jour de votre départ, j’ai dit à Maurice de
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le remettre avec moi, puis il était parti pour aller peindre lorsque je suis revenu au Repos ; le lendemain et le surlendemain il pleuvait à torrents, on n’a pas pu en approcher parce que vous ne vous étiez pas même donné la peine de le remettre au bateau de Bricart, car il n’était pas tard lorsque vous êtes rentrés, et vous pouviez au moins le remettre chez Bricart enlever l’éponge & le gouvernail ce que l’on fait toujours. Votre incurie est fantastique il faut bien l’avouer, & n’accusez que vous trois, de ce qui est arrivé. Il n’y avait pas moyen d’approcher du bateau. La Charlerie avait pris sa barque, – pour les éclusiers, et le gig attaché à une pierre dans l’eau était à trois mètres du bord, lequel bord détrempé par la pluie était une fondrière. Sans moi & sans Marneffe, le bateau serait encore là. J’enrageais comme un vieux rameur que je suis & aimant son ex-bateau. – Tu es superbe, je ne fais que prêcher depuis un an que c’est ignoble d’avoir aussi peu de soin d’un gig que vous en avez, chaque fois que je t’en parles tu me blagues, & tu me fais des reproches ! Tu sais bien que Fontaine a les mains si délicates qu’il laisse tomber le bateau – (ce qui est encore plus terrible pour sa conservation que de pourrir dans la Meuse) & qu’il n’est bon à rien pour ces sortes de corvées. J’ai repêché le gouvernail à Neffe & je suis parvenu à faire vendre aux gamins qui l’avaient volée l’éponge disparue. Depuis naturellement Adèle l’a reperdue. – Je n’espère pas te voir & je t’écrirai de Paris, j’ai encore à te parler d’une foule de choses. Je fais rentoiler à Paris ton tableau & je te le rapporte en Décembre.
Pour tout le monde & pour Edmond surtout je suis remis avec ma femme. Ma femme du reste s’y prête – elle l’a dit à Caroline Dandoy. Du reste en Décembre je descends chez moi. – Je t’embrasse si je ne te vois pas avant cela.
Ton Vieux
Fély
Je te dis pour Edmond surtout parce que cela équivaut à le publier dans les journaux de la Ville et de la Province.
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Quadrillé (quadrlllage carré), Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Bleu.
Copyright
KBR