Numéro d'édition: 2717
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
s.l.
Date
1882/01/09
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6655/468/137
Collationnage
Autographe
Date de fin
1882/01/09
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
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Je t’envoie tes étrennes !
9 janvier 1882
Mon Cher Vieux
je suis de ton avis quant à la boutique d’Anseremme, mais je te répondrai comme l’abbé de Bernis : « on pense toujours plus à sa maîtresse qu’à ses créanciers » quelque tort que l’on en puisse avoir. Quant à ton argument tiré du doute où mes défauts de payement pourraient jeter les Belges sur ma position de fortune ou sur mes succès pécuniaires à Paris, nous en rirons ensemble. Ce n’est pas cela qui me ferait donner un maravédis à « la bonne Génie ». Je me fiche de l’opinion des Belges tu le sais comme de la peau de mes cigarettes de l’an passé, si je t’ai prié de leur plaire dernièrement en mon nom, c’est pour leur faire donner des subsides auxquels j’ai droit. Quant à leur opinion personnelle, & à celle des bons petits camarades envers lesquels je n’ai jamais été d’ailleurs que très aimable & très charmant en toute occasion, je te le dis en vérité, Mon Vieux, l’arrivée des
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hannetons & la venue des premières violettes de Meudon me préoccupe bien autrement ! – J’enverrai de l’argent à Génie cette année, certainement, mais en attendant l’idée que nos camarades de labàs pourraient avoir de mon opulence ne m’empêchera pas de vivre en joie, & d’avoir de plus en plus d’indulgence pour les bons propos de province. De quoi parlerait-on entre les repas & le bordel ?
Tu me dis que tu vas t’arracher bientôt à ce foyer d’esprit & de dévorante activité morale pour nous venir. Franchement je te le souhaite. Tu tardes & tu t’attardes bien ! Enfin espérons que la fin de 1882 verra cet effort. – « Comment Dommartin qui a du mérite peut-il vivre dans ces milieux-là ». Voilà l’opinion d’Uzanne & de tous ceux qui te connaissent. Tu subis tout cela par paresse de volonté.
Viens plutôt ici fin Janvier. La feste des Roys » a été remise parce que nous avons été entrainés à fester l’an neuf avec Filleau Clapisson &c &c. Il y a eu des séries de festoyements chez Gouzien un réveillon monstre. Chez Godebski autre fête de nuit. La fête du Ring Théatre – très jolie. on comptait t’y voir. Je disais que tu n’y manquerait pas, – Rue Richelieu 76 La veillée de l’an. – Voilà pourquoi
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« les Roys » ont été remis en février. Quand tu verras Edmond demande lui s’il ne viendrait pas en février, au commencement. – On compte naturellement sur toi Camuset reviendra de Dijon car il est allé habiter Dijon pour faire fortune. Il a repris un grand établissement d’oculisterie & est occupé à sécher la Bourgogne. C’est une perte pour nous, mais il est plus souvent à Paris qu’à Dijon heureusement pour son ancien groupe. – Quand tu viendras à Paris je retournerai avec toi à Bruxelles. –
Ici on t’envoie toutes les amitiés de la maisonnée.
Moi je suis de plus en plus amoureux, & je trouve qu’il n’y encore que cela comme je te le disais, qui vous garde en bonne jeunesse d’esprit & de corps, & j’en use.
Edmond à mon avis a fait une forte bêtise en demeurant en Belgique, dans les conditions où il veut y vivre. Monthermé c’est la Belgique. Il devait venir ici, continuer à « faire la Belgique » pour son commerce & l’agrandir ici. où il n’y a pas de Vrais Marchands de vin. De cette façon il se trouvait à l’abri des ennuis que sa façon de vivre en marge de tout, ne peut manquer de lui attirer dans sa famille & dans ses entours. À quarante ans
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il se mordera les doigts de n’avoir pas fait ce qu’il voulait faire il y a un an. Quand je dis qu’il devait venir ici, je parle de la banlieue parisienne qui va de Montigny à la Bastille.
Vu Liesse. Il recommence son roman pour la 3e fois, ou plutôt il l’a recommencé. – Cela paraît en Mars. J’espère qu’il sera récompensé de ses efforts. Il publie en attendant des nouvelles de coté & d’autre. – Il va dans les Salons sérieux où l’on sauve la littérature. Il est de moins en moins folâtre, & a l’air d’un homme qui ferait de la Littérature comme s’il y avait des lois contre cela. La chose est explicable : il vit avec des gens qui ont vécu joyeusement à leur heure, & lui qui n’a pas vécu prend leur lassitude des choses & des hommes pour l’expression de la société actuelle. Moi je vis avec des jeunes parce que je trouve ces gens là, vieux, & je ne trouve pas ces jeunes trop jeunes pour mon esprit. – Voilà pourquoi nous ne nous voyons pas avec Liesse. Tous les instants de la vie ne peuvent être sérieux dit le bon Montaigne.
À toi vieux jeune comme moi & viens quand tu le voudras.
Les violettes & la rose de Noel fleurissent déja derrière les haies de troènes c’est charmant cet hiver niçois.
Fély
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Turquoise.
Copyright
KBR