Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]

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Je t’écris pour te dire que Fontaine & Carlier viennent probablement à Paris la semaine prochaine.

Je ne crois pas que tu te décideras à sortir « du Sommeil Comateux » dans lequel tu te complais comme l’aï du Jardin des Plantes, mais je me fais un devoir de te prévenir « in extremis ». – Cela te rendrait quelque chaleur à l’âme le bon spectacle d’ici, je t’assure.

Comme je te le disais avec l’argent que tu dépenses idiotement & sans raison dans les endroits follement réjouissants qui s’appellent l’Éperon & « aultres lieux » à contempler la tête de geindre du joyeux Dupont, tu viendrais tous lesjoumois à Paris, & tu resterais un homme & un littérateur, ce qui est quelque chose dans la vie.

Quand je songe mon brave Dom, que tu en es à rêver des comédies avec cet autre « joyeux » qui s’appelle de Roddaz, cela me donne de ton état, une triste

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idée. Comme cela t’eût fait rire il y a six ans !

Je ne te parle pas du reste. Tu devrais t’écrire à toi même la lettre que tu écrivais il y a deux ans à Artan avec tant de virulence & d’honnêteté. – Mais c’est un coin de ta vie qui ne nous regarde pas. Si tu veux voir où cela a mené Artan, viens voir la peinture de ramolli qu’il fait ici et que cela te fasse rêver ! – Quant au « bonheur » dont il joui c’est très simple ; il écrivait il y a dix jours à Cormon qu’il n’avait qu’une envie celle de se « faire sauter la tête ». – Et c’est ce qu’on peut faire de mieux quant on a une tête de cette valeur. –

– Armand est nommé « inspecteur des beaux-arts » – Le voilà casé & l’avancement pourra être rapide. Il est content & heureux.

– Moi, je suis au travail, l’atelier est clair, gai – j’y ferai du bon ouvrage si « le ciel m’ayde autant que je m’ayde » – J’ai fait de bonnes affaires à Bruxelles, du reste j’y allais pour cela. – Les petites femmes travaillent, rudement toujours et ont enfin la récompense de ce brave labeur : l’aisance. Je paie mes dettes et tous mes créanciers seront payés à leur tour. Enfin j’ai « refait ma vie » que mes folies avait bouleversée, par ma faute. – Tout ce qui m’entoure est honnête & bon. C’est là qu’il faut arriver, Mon Vieux, n’oublie pas qu’à nos âges, car tu es vieux & grisonnant comme moi ! il n’est plus permis d’aimer que les choses réellement bonnes & honnêtes. Les petites fleurs blanches de cimetière qui fleurissent en nos derniers cheveux doivent nous avertir qu’il est l’heure de jouer « les rôles manqués ». –

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Enfin si tu gardes encore au fin fond de toi quelconqu’espoir en toi, tâche de te tirer de cette vase Bruxelloise dans laquelle je te trouve a chaque voyage de plus en plus enlisé.

Du reste comme il ne faut pas embêter ses amis par trop. Je ne t’écrirai plus que pour te demander des nouvelles de ta santé & de celles de ta mère & de ta fille.

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