Page 1 Recto : 1
Il y a bien longtemps que je veux t’écrire Mon Vieil ami. J’ai appris par les lettres d’Emma à Clairette combien tu avais été ennuyé depuis six mois, par toutes sortes d’accrocs à ta santé, qui t’ont contrarié dans ton travail et dans tes projets. Crois bien que je prenais une vive part à tes ennuis, et que je t’en aurais écrit si deux raisons ne m’en avaient empêché. La première, c’est que je déteste ; lorsque je ne suis pas auprès d’eux, entretenir mes amis de leur santé, parceque la plupart du temps, on ne fait que les inquiéter ; et secondement : parce que je comptais être à Bruxelles en Août et te voir naturellement.
Enfin te voilà rétabli. Du reste je n’ai jamais eu la moindre crainte à ton endroit, je connais trop le fond de belle santé que t’a légué le père Verwée, et c’est un bel héritage. Mais je viens au fait : Claire me dit que « tu viens incessamment à Paris. Tu sais comme elle aime tes filles, et Emma en particulier. Ma femme, Clairette & moi te demandons de nous amener Emma qui restera chez nous. Clairette a sa chambre libre, & un grand lit vide, et sa présence nous fera grand plaisir, & ne te gênera en rien.
Page 1 Verso : 3
Voici pourquoi surtout nous voudrions l’avoir. C’est que, cette année, au lieu de faire un tour dans le Midi, nous avons résolu de faire « un voyage à Paris» que ma femme et ma fille ne connaissent pas en Parisiennes qu’elles sont. Depuis un mois nous entassons des permissions d’entrée pour tous les endroits et ils sont nombreux, où le public ne va pas. Ta fille profiterait de cela, et verrait des choses, qu’on a rarement l’occasion de voir. Elle verrait longuement tous les Musées, Versailles, Fontainebleau Rambouillet etc etc, et cela comblerait de joie tout le monde, car ici on aime ta fille comme la nôtre. Fais nous donc ce plaisir là, et ne fais pas ton père sévère et cruel. – Au point de son art vue de son art cela lui fera grand bien, et elle ne peut trouver une meilleure occasion de s’amuser & de s’instruire, Car c’est un petit voyage d’instruction que je fais faire à ma fille, & je n’ai pas besoin d’ajouter que ma belle sœur & ma femme ne quitteront pas ces Demoiselles « d’une semelle » !
Embrasse pour moi Mme Verwée et toute ta belle famille.
À toi Mon Vieux et ne me refuse pas, ou plutôt ne nous refuse pas, car c’est sur moi qu’on tomberait !
À toi & à bientôt
Ton Vieil ami
Félicien Rops