Numéro d'édition: 2697
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
s.l.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6655/468/116
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Apostille
1879?
Page 1 Recto : 1
Mardi
Mon Vieux Dom,
en descendant en ville passe donc par la rue des Petits Carmes, monte chez ce bon Sembach qui a remplacé ce vieux con de Navez & dis bien a ce brave, que je n’avais (sans calembourg !) donné aucunement l’ordre à Navez, – deux fois nommé, – de se livrer aux exercices tabulesques auxquels il s’est livré ! exercices qui indiqueraient de ma part une défiance absolue du nommé Sembach : – Ce que je n’ai pas ! J’avais simplement dit à Navez – 3 fois nommé – : de fermer la porte de la chambre à coucher si le Sembach susdit ne s’en servait pas ; de là il est parti pour en tirer des conjectures, filles de ce cerveau de l’âge du renne qui aboutissaient à faire enlever cette pauvre table sans aucune raison !! – Je ne lui avais pas parlé de toidu tout, même, à ce produit primaire ! Je ne veux pas blesser ce brave Sembach qui ne doit pas pâtir de l’aquosité cérébrale de Navez, – 4 fois nommé !!
– Fais cela je te prie. Ainsi faisant tu me plairas fort. Tas de fêtes ici on ne « débal » pas. – Fête de Hugo – très belle, inoubliable, au Théatre Français, le 50e anniversaire d’Hernani ; – Bal chez Sarah Bernardt cette semaine,
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Bal au Monde Parisien – le journal de d’Osmont, – Bal chez MumKasey, – mon habit noir en est blanc. Pas moyen d’avoir Liesse dans tout cela, – il pourrait être invité partout & il se mitoufle dans sa tanière du Boulevard Courcelles en disant, – ça mange le temps tout ça !! – Je ne vois pas pourquoi il a quitté la bonne ville d’Hastière ! Si on est à Paris il faut bien vivre de Paris cependant !!! –
– Gouzien n’est pas encore nommé, mais je crois bien qu’à la fin de la semaine, il sera – gros comme le bras : – « Commissaire du Gouvernement près des Théatres Subventionnés » 6.000 de braise. C’est bien, & le derrière de ces dames à la main.
– J’ai lu avec peine que le nommé Pescheux dit de Roddaz engueulait un très bon peintre belge qui s’appelle Ter Linden – le seul qui ne soit pas bête comme ses pieds dans ses tableaux. Il serait à souhaiter pour l’honneur de la patrie de Wauters, qu’il y en ait deux comme Ter Linden, – mais il n’y en a pas deux, – malheureusement. Note que je ne le connais pas du tout ! J’ai vu trois de ces tableaux, d’une belle exécution spirituelle, & d’un sentiment très personnel. Cela m’a beaucoup frappé. Le bon Pescheux dit de Roddaz, aura beaucoup trop écouté Agneessens, peu remis probablement, trop retour des champs, – ou quelques autres peintres pour lesquels un pot & une pipe sont des excès de composition & d’imagination. La « Vieille Demeure » de Ter Linden a été un des tableaux les plus remarqués de toute l’Exposition Belge de 78. par les artistes Français. – Mais comme il a beaucoup d’esprit, d’imagination, & de sentiment, les broyeurs en chambre de là bas doivent le trouver « chiqueur » – et Pescheux répète ce qu’on disait chez Sarah au bon temps. C’est stupide. Si je rencontre Ter Linden un jour, je lui dirai de venir ici, – je lui ferai faire une exposition à la Vie Moderne, & ce sera un succès. Maintenant il n’est peut être pas « Belge » je serais très porté à le croire. – C’est Pescheux qui est Belge dans cette affaire-là. – Ter Linden est un voyant, les autres des voyous.
– Au fond de tout cela il n’y a rien, mais cela m’a foutu en colère. – Laissons de Roddaz tranquille ! – Il ne faut point faire peine aux gens qui cherchent leur vie. – C’est pour cela que je n’ai pas soufflé mot à Edmond de tout ce qu’on nous a dit ici, sur Pescheux dit de Roddaz. C’eût été un prétexte à potins horribles dont Edmond ce serait fait le colporteur. Ce garçon doit vivre, s’il a fait des fautes, cela ne
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nous regarde pas, & peut être y a-t il des circonstances atténuantes que nous ignorons. Ce que je sais, dans la bouche d’Edmond c’était la perte de ce garçon, et il ne faut pas que nous, artistes & lettrés dont l’esprit doit être plus « voyant au dessus » que celui des autres, nous imitions les bourgeois de Nivelles. Me voilà tu le vois revenu à de meilleurs sentiments. Seulement tout à l’heure j’ai failli me laisser aller à de mauvais mouvements de colère & tomber le Pescheux.
À toi & à bientôt.
Fély
Quand tu auras le temps écris-moi & donne moi des nouvelles de votre vie de labàs.
Fély
Et voilà comment t’écrivant très en colère je finis paisiblement – Mais, que veux-tu, c’est rageant de voir qu’en Belgique dès qu’un peintre sort de la bêtise, crasse, épaisse, épidémique, qui pousse là comme l’herbe dans « le quartier de l’Évêché » à Namur ; on s’empresse de tomber dessus ! – Et les premiers qui devraient le soutenir l’engueulent par esprit de corps d’estaminet.
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Texturé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR