Numéro d'édition: 2117
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
Montmignon
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6714/11
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
Montmignon 3 juin.
Je vais rester ici très probablement jusqu’en Aout ou à peu près, En juillet tu reviendras & nous retournerons ensemble à Heyst. Viens en juillet comme c’est convenu avec ta fillette, retire-la de son pensionnat un peu avant les vacances, de cette façon tout s’arrangera pour le mieux. Je t’écris quelques mots, n’ayant pu guère te parler dans notre dernière soirée. – J’ai vu hier matin Marie Bonvalot & positivement, je te l’avoue à mon grand étonnement (connaissant le caractère de la jeune fille), – tu ne t’es pas trompé, elle est presqu’éprise, ma foi et il y a la un effet d’atômes crochus assez bizarre. Tu tiens donc ton bonheur dans les pattes, c’est à toi à ne pas le laisser cheoir. Il est assez rare qu’un Monsieur de notre âge fasse un mariage d’amour avec une fillette de vingt ans, pour ne pas gâter ce précédent. – Il n’y a qu’une chose qui chiffonne Auré c’est le souvenir de tes brutalités avec Mélanie racontées ici un jour, soit par Edmond soit par Liesse, – je ne sais lequel des deux. Il faudra faire s’évanouir ce déplorable racontar, car la petite Marie en avait eu vent & une première fois cela avait failli tout gâter, – après Montigny. – D’autant plus que ces machines là sont toujours l’indice d’un caractère très faible
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en matière féminine.
Vis à vis de nos amis, – je te le répète, dis ce qui est, que je ne me suis pas, cette fois mêlé de ton mariage, puisque tout était à peu près rompu quand je suis parti. Ce n’est pas pour ne pas accepter la presque responsabilité d’un acte que je ferais moimême si j’étais à ta place & que j’approuve en tous points, mais parce qu’il n’y a qu’à dire la vérité. Et la vérité pour moi maintenant, c’est que je n’avais rien à faire & que je n’ai rien fait pour ton mariage en ces dernières occurrences. La petite Marie en tenant ferme pour toi & depuis plus longtemps que je ne le croyais, & que tu ne le croyais toi-même – à ce qu’il paraît. Les femmes sont toujours indéchiffrables & c’est toujours drôle, – Insondables !
Écris 76. Rue Richelieu, puisque tu n’as pas encore « parlé » aux parents, cela vaudra mieux & en écrivant directement chez elle à Marie cela serait contraire aux habitudes parisiennes.
Maintenant Go Head ! Va de l’avant, arrange surtout nettement tes affaires avec ta mère : dis lui net : j’aurai besoin de douze mille francs pour mettre dans les affaires, plus trois mille francs pour m’installer convenablement & me marier. C’est donc une quinzaine de mille francs qu’il me faudra. Voilà. Ne traînaille pas en des demi-mesures inutiles. Tu dois te trouver bien heureux de sortir de tous tes ennuis & tes hésitations & d’entrer dans une nouvelle vie par une aussi gentille porte.
Si ce brave Carlier que nous aimons, était malin il ferait la même chose. Enfin,
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comme il sera probablement un de tes témoins, le spectacle de ces bonheurs essentiellement parisiens lui ouvrira peut-être ses yeux.
– Je le disais un jour à Émile Hermant : Il n’y a qu’à Paris que les hommes n’ont pas d’âge & sont disposés à aimer un homme de quarante ans, intelligent. En Belgique les femmes finissent à la ceinture en partant par les pieds. –
Léontine donnera au Père Bonvalot l’adresse du secrétaire Communal de Spa pour les renseignements ainsi que tu l’as dit. – Écris-moi & tiens moi au courant de tout cela, c'est à dire de la façon dont la situation s’arrange entre toi ta mère etc &c &c &c
J’ai un rude « coup de chien » à faire comme travail en juin & juillet. Je suis bien heureux d’avoir ce coin de campagne pour respirer pendant ces deux terribles mois, car l’atelier de la rue Drouot serait inhabitable. Quand tu seras tout à fait installé ici, nous verrons à louer une maison de campagne entre nous, en dehors de nos appartements respectifs, c’est bien nécessaire pour le travail d’été & pour la santé ! – Mais il faudrait un bout de rivière ! – Tu trouveras cela toi, l’homme du Guide de l’Excursionniste aux environs de Paris.
Donc il est entendu qu’en Août nous allons à Heyst ou dans un endroit équivalent hein ? – Du reste tu me diras cela en Juillet après le Wagner. Je vais cependant tâcher d’aller au commencement de Juillet à Bruxelles, j’y ai à faire.
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À bientôt Mon Vieux Copain Je t’embrasse & ici l’on t’envoie de grandes amitiés.
Fély
J’ai fait hier une grande promenade en forêt. Il y a des coins merveilleux dans cette forêt de Montmorency, et sa vogue au dix huitième siècle où l’on disait qu’elle réunissait « toutes les grâces de la Nature » ne m’étonne plus. Je retrouverai le Chêne de Jean Jacques Rousseau & le soir je ferai comme lui quelques conférences aux humbles villageois qui me diront : Mince de rigole ! – ô tempora !
– Vu le prologue de Chapeau de paille d’Italie : un âne attaché a un arbre & mangeant les coquelicots, & un
Toujours amusante cette aquarelle !
– Forêt amusante aussi très amusante & variée. Du côté d’Enghien il a les demoiselles qui ferruginisent leur foie & qui se promènent à petits pas en effeuillant quelques fleurs dans les petits sentiers. – J’ai voulu en prendre une par les parties tendres en lui persuadant que c’était dans le traitement, cela n’a pas eu de succès. – Mais il y a là une veine !
À toi
Fély
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR