Numéro d'édition: 3598
Lettre de Félicien Rops à [Edmond Alphonse Charles Lambrichs]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Edmond Alphonse Charles Lambrichs
1830/04/17 - 1887/05/25
Lieu de rédaction
s.l.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
AMIS/LE/029
Collationnage
Autographe
Date de fin
1875
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops, Province de Namur
Page 1 Recto : 1
Mon Cher Edmond,
Ma main est à peu près guérie, et je commence à m’en servir, pour combles d’ennuis, j’ai eu la goutte à la main qui avait été écrasée, et j’ai souffert atrocement. Quant aux pieds, Je peux maintenant mettre ma bottine et sortir. Quand on n’a pas eu la goutte, on ne peut s’imaginer ce que c’est : figure-toi qu’on t’arrache les muscles avec des fers rouges & cela te donnera une idée de la situation. Pendant trois semaines j’ai été incapable de tout, même de lire. Enfin cela va mieux & je vais mettre tout en œuvre pour me débarasser de cela. – Il faut avouer que devoir payer les dettes de son grand père est une chose ennuyeuse ; les gens qui ont la goutte pour leur compte personnel passe encore ! – mais être sobre et subir la peine des ivrognes, cela passe difficilement. Et puis, je peux te dire cela à toi, comme à un véritable ami, j’ai eu un extrême affaisement moral. C’était la première fois que je me sentais absolument seul ici & malade. Tu as toujours vécu en famille et tu ne peux comprendre la tristesse de cette situation. Il y a eu deux jours ou j’ai dû lutter pour ne pas me faire transporter dans une maison de santé ou à l’hôpital Lariboisière. On parle toujours de ces choses là, mais quand on y est
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cela touche fortement. Gouzien était à Rouen et Malassis est presque mourant à Alençon. Artan venait de retourner à Berck. Je n’avais pas de chance en vérité. Du reste il est encore plus triste d’avoir recours à ses amis mariés que de rester seul – on sait que l’on gênera les femmes, qui n’ont pas les mêmes raisons que les hommes pour vous être attachées et l’on finit par ne plus rien vouloir du tout & à broyer du noir dans son coin tout seul. – Enfin voilà encore un mauvais pas d’à peu près passé, si je peux, j’irai dans une des localités de bains ou l’on traite la goutte, ou prendre quelques bains de mer dans un petit coin quelconque, ce qui me ferait grand bien car je ne suis plus dans mon assiette du tout. J’ai pensé un instant d’écrire à Paul de venir quelques jours près de moi mais j’ai songé que je le dérangerais dans ses études et que cela le retarderais – et puis on ne l’aurait peut être pas laissé venir ! – Je travaille & cette semaine tu recevras des planches. Je suis disposé à quitter mon atelier de la rue Lefrancq dès que j’en aurai trouvé un qui ne me coutât pas aussi cher. Informe-toi. Je te demanderai aussi d’y laisser jusqu’à nouvel ordre la grande armoire qui y est et dont je te donnerai la moitié si tu en as besoin. L’atelier & la maison sont très convenables & je crois que cela fera très bien ton affaire. Je voudrais t’y voir installé. Si je ne trouve pas ce que je veux – un petit atelier modeste de 25 francs ou de 30 francs, je n’en prendrai plus à Bruxelles, - Si je retourne dans ma famille je travaillerai chez moi le temps que je passerai à Bruxelles, - Une grande chambre pourrait faire mon affaire, si je n’y retourne pas c’est-à-dire si je ne peux y retourner, je n’y aurai plus besoin d’atelier du tout, car je ne demeurerai pas à Bruxelles ! Tu pourrais du reste si tu en as besoin déjà en disposer. Il est à ta disposition entière.
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J’ai écrit à Mlle Calewaert pour les aquafortistes & je suis en correspondance avec Mr Degeorges, son bras droit. – J’ai été moi-même chez Goupil. – Je t’écrirai à cet égard des renseignements demain ou, plutôt après demain j’ai la main si fatiguée que je ne sais plus écrire ; cela dépend des jours, il y a deux ou trois jours j’écrivais comme si rien ne m’était arrivé, aujourd’hui je suis dans de mauvaises dispositions et je dois tenir ma plume à deux doigts. J’écrirai à Goethals également. J’espère que tu n’es plus malade, et que Madame Neys est aussi bien remise. Etre malade chez soi ! – il me semble maintenant que c’est presque la santé, quand on a passé les jours par ou je viens de passer. – J’ai appris que tu faisais le portrait de ma femme. J’en suis bien heureux et je t’en remercie de tout cœur, si peu que malheureusement cela me regarde encore, mais le fils est toujours ou le père n’est plus, et ne fut ce que pour lui, cela me fait un bien sensible plaisir. Artan viendra travailler dans mon atelier, je crois que cela sera pour lui une bonne chose : les gens ne vont pas dans les lieux misérables et sales et l’appartement qu’il occupait était dans ces conditions là, - le mien est convenable, - un peu retiré, un peu triste, mais on ne trouve pas ce que l’on veut quand on ne peut y mettre le prix, et un prix élevé. – Mme Artan retourne à Bruxelles. Dis à Verwée que son tableau a eu un bon deuxième succès dès qu’il a été descendu. Je n’ai pu le voir parce que mon indisposition m’a empêché de retourner au salon mais plusieurs artistes me l’ont dit. J’ai appris que ma femme et Paul étaient en bonne santé. J’écris à Paul demain aujourd’hui je suis trop fatigué. Je te serre bien la main Cher Vieux, amitiés à nos amis de Bruxelles & mes compliments à ta femme
Félicien
Si tu te décides pour l’atelier j’écrirai au propriétaire. – Je suis maintenant tout à l’ouvrage et si je dois quitter pour aller quelque part je prends ma presse avec moi. – Embrasse mon fils pour moi si tu le vois.
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Vergé, Crème.
Dimensions
20,6 cm x 13,3 cm mm
Mise en page
Encre
Copyright
Les Amis du musée Rops, en dépôt au musée Rops
Personnes citées

Félicien Rops
Auguste Poulet-Malassis

Armand Gouzien
Edmond Alphonse Charles Lambrichs
Léon Degeorge

Charlotte Marie Théodore Polet de Faveaux

Louis Artan de Saint-Martin
Adolphe Jean-Baptiste Michel Goupil
Octavie Callewaert
Neys
Jules Goethals, Baron
Marie Isabelle Lambrichs
Elisabeth Artan de Saint-Martin
Paul Rops
Marie-Élisa Roy

