Numéro d'édition: 3501
Lettre de Félicien Rops à [Auguste Poulet-Malassis]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Auguste Poulet-Malassis
1825/03/16 - 1878/02/11
Lieu de rédaction
s.l.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
PU/LE/012
Collationnage
Publication
Aucune image
Mon cher Malassis,
Depuis que je suis revenu de Paris je dois vous écrire, mais je croyais que Gouzien vous avait porté de mes nouvelles ainsi que je l'en avait prié, et comme je devais retourner à Paris de jour en jour, je comptais aller moi même compléter le Gouzien. Je viens d'apprendre qu'il est à Brest et qu'il n'a pu passer chez vous avant de partir. L'état de siège continuant à florir en la bonne ville de Paris, force nous a été de remettre notre publication à des temps meilleurs, nous paraîtrons du 1er au 15 déc pour la rentrée. Gouzien, qui va revenir à Paris, ira du reste à Paris y réclamer de vous des conseils et votre concours dont nous aurons le plus grand besoin.
En attendant et pour me faire un peu de réclame afin que je ne sois pas tout à fait un inconnu pour les Parisiens, je travaille à mon album de guerre, douze grandes lithographies, les pierres sont arrivées de Paris et je bûche sérieusement et fortement, fortiter et severiter.
Le croirait-on ? l'étude de l'eau-forte m'a donné de grandes facilités pour la lithographie. Je n'avais plus dessiné sur pierre depuis l'Enterrement au pays wallon, et je crois que ce que je fais maintenant sera très curieux et d'un esprit fort étrange, à cause de l'acuité à laquelle l'eau forte m'a habitué et que je n'obtiens qu'après une lutte contre la mollesse de la pierre, ce qui produit un résultat étrange.
Ah ! le titre Vous vous rappelez que nous en avions parlé de ce titre.
La Hideuse Guerre
cela n'irait-il pas ? cela rappelle un peu les titres de Goya et de Callot, c'est ce qu'il faudrait, car le titre ne peut être trop violent, car ces lithographies sont très brutales et d'une intensité de caractère épouvanter les Parisiens et les Pharisiens. Tout cela est fait d'après mes croquis sur nature.
J'espère que vous êtes en bonne santé, mon cher ami. Vous devez être déjà tout renationalisé et reparisianisé. Quant à Fanny, j'ai remarqué, avant son départ, que l'annexion la faisait diablement engraisser ; faites-lui bien mes amitiés, je vous prie.
J'ai été à Bruxelles il y a trois jours, j'ai grimpé gaiement la chaussée d'Ixelles, et j'ai été avec étourderie et amitié me casser le nez au 37 de la rue de Mercelis. Je n'aimais pas beaucoup Bruxelles, mais vous concevez que votre départ va me faire un rude vide. Où diable voulez-vous que j'aille parler maintenant de toutes les choses que nous aimons et que les Bruxellois n'aiment pas ? Vous étiez de ceux que je ne voyais pas souvent pour avoir plus de plaisir à les revoir, il en est ainsi de toutes les choses excellentes.
Ma femme se porte bien et vous fait des compliments, Paul vous embrasse avec grande affection, il était avec moi quand nous avons été pour vous faire visite rue d'Agoût et a été aussi consterné que moi de ne pas vous voir. Je veux toujours en faire un laboureur qui pourrait lire Horace et même Glatigny, tout en herborisant dans les sillons. À propos de Glatigny, comment se porte ce pauvre garçon ? Je n'ai pu le voir à mon dernier voyage, Gouzien ne sait pas marcher et m'a empêché deux ou trois fois d'aller jusque chez lui. Je tiens à votre disposition une eau-forte faite pour Bordin, en échange de quelques « services maritimes ». C'est fort mauvais, d'ailleurs, mais c'est pour la collection. Je vous en envoie une épreuve d'état unique et tirée au brunissoir. Ah, c'est bien mauvais !
Je vous serre bien la main.
À bientôt.
Fély
Mes amitiés à nos amis. Que devient Burty ?
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