Numéro d'édition: 3089
Lettre de Félicien Rops à [Maurice Bonvoisin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23

Destinataire
Maurice Bonvoisin
1849/05/26 - 1912/03/27
Lieu de rédaction
Paris
Date
1877/07/25
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
Bon/LE/31
Collationnage
Scan
Date de fin
1877/07/25
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops
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Paris près Pantin. 25,7,77.
Mon Cher Maurice
Tu vois ce que c’est que le mauvais exemple, je ne te réponds plus tout de suite. Enfin je te réponds : Je travaille depuis quinze jours pour Lemerre, les graveurs manquent d’ouvrage & je dois bûcher dûr. Je comptais t’envoyer fin juillet comme je te le disais deux ou trois machines, mais, franchement je ne les trouve pas assez réussies pour être envoyées spécialement. Le principal dessin (Jeanne Blanc) a été raté après six jours de travail assidu, – c’est vexant, & ce, par la même cause qui avait failli faire rater « le tapis » de la Saisie. Je n’y comprends rien, il faut que je consulte les gouacheurs de métier. – Ces taches sont inenlevables, c’est atroce !! elles sont tombées au beau milieu de la robe bleue de la femme, j’ai tout fait pour les enlever & les dissimuler, impossible, c’est pis que de l’huile. J’ai fini par déchirer mon dessin, dans un bel accès de colère & je me suis repenti ! lâchement, – après le sacrifice. Enfin je vais le recommencer & il n’en sera que mieux. Il est convenu que je te ferai une buveuse d’absinthe & une dame au Pantin, si tu veux, bien entendu, car comme ces deux dessins ont eu deja deux « avatars » ils ne sont pas inédits & ils sortent des clauses de notre contrat. – Je t’ai engagé à ton dernier voyage a aller chez Gouzien dans l’espoir que tu l’y trouverais & qu’il te montrerait ses portefeuilles, – il a une buveuse d’absinthe qui date de deux ans & que j’ai retapée au mois de février de cette année avec de la gouache & du pastel. Elle est fort curieuse, mais ne
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vaut pas l’original. Gouzien depuis la mort de sa mère (entre nous,) a sacrifié assez bien d’argent, quatre à cinq mille francs à acheter des Rops, – il en a de très curieux. Malassis, le Comte de Chauvau, je crois, & deux ou trois « Burtyseurs » lui en ont vendu & ce qui est particulier chez Gouzien c’est qu’il me cachait – à moi-même ! – Sa collection. pourquoi ??? mystère & manie !! Il a fallu que, séduit par l’aspect de mon nouveau procédé, il se décidât à me demander de lui transformer ses dessins aux crayons de couleur en aquarelles-pastels. J’ai passé un mois à ce retapage & les dessins ne sont plus reconnaissables. – Quand tu viendras à Paris, s’il les possède encore, (car il est je crois en marché pour en vendre à très gros prix les principales pièces à Hollaway – & son ! – de Londres, & quelques pièces à Goupil) ; insiste pour qu’il te les montre ; – car il a te dis je la manie de la collection souterraine & cryptoenfouie – ce qui est agaçant & assez ridicule pour l’artiste. – Il possède une dame au Pantin, qui ne ressemble en rien à celle de Goethals & qui est très curieuse. Je voudrais comme pendant à la buveuse d’absinthe te faire une fantaisie sur cette dame au Pantin, – qui ne lui ressemblerait pas & serait une troisième variation plus brillante que les autres. Si je te parle de ces deux dessins Mon Cher Maurice, c’est parceque je tiens à ce que tous les dessins que je te fais soient inédits ou plutôt « infaits ». Du reste – à part une dizaine de dessins, que j’ai non pas répetés mais recommencés je ne refais jamais le même dessin. Je traite quelquefois le même sujet, mais toujours d’une façon complétement nouvelle. Si je t’engage à prendre une dame au Pantin c’est que j’en ferai « une autre » que celles de Gouzien & de Goethals. – Celle de Goethals est en noir celle de Gouzien en couleur & c’est une autre femme avec un autre sujet, la tienne serait une 3e femme – Je la ferai en costume bleu & jaune cela me sourit. Gouzien possède encore
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le dessin original des deux femmes qui s’embrassent & qui a paru sous le titre – faux – du Secret de Polichinelle. Le dessin remis à l’aquarelle avec les autres pendant ce mois de février qui s’est passé – 28 jours ! – à cela, a vraiment bon air. – C’est le seul qui existe. Je le referai celui là non pas pour toi puisqu’il n’est pas non plus dans les clauses du Contrat mais pour le vendre lorsque notre contrat sera fini. J’en ferai quelque chose, & j’ai peur qu’il ne soit vendu par Gouzien avant que je ne puisse m’en inspirer. – Gouzien m’a dit qu’il avait gagné toujours très raisonnablement sur les choses achetées par lui dans ses derniers temps, cela me fait plaisir
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et ce projet n’a pas été bien mis à exécution vingt dessins avaient été faits – le frontispice : « Naturalia non sunt turpia » qui appartient je crois au Comte de Chauvau est un de mes meilleurs Où tout cela passe-t-il ? Où sont les neiges « d’Artan » ? Il y avait dans cette collection : « L’appel au peuple » Chez Mr Dupuytren, l’Éphèbe, – Offrande à Cypris un formidable Départ pour le Sabbat &c &c Gouzien a une fille à sa toilette qui en faisait partie. – Cadart veut absolument avoir cette collection – pour qui ? je l’ignore.
Dis à Émile Hermant de m’écrire, & marie le ! Dis-moi quelles sont les eaux fortes que je t’ai remises à ton dernier voyage. Et quel état tu as du Don Paez ? Je t’enverrai l’autre tout de suite
À bientôt fais mes Compliments à tous les amis que tu verras – Artan es-t-il à Blankenberghe ? S’il y avait moyen d’avoir du Japon-Ink à Paris tu comprends que je ne te demanderais pas de m’en procurer de Bruxelles. J’ai tout fait j’ai porté chez tous les spécialistes de bouteilles de modèle, les priant de me faire revenir cela que je paierais ce que l’on voudrait, tout cela inutilement. Bulens successeur de Olin doit être facile à trouver ! – Demande lui à Bulens d’où il fait venir son produit s’il te plaît car je renonce à le trouver ici.
À bientôt mes dessins & très à toi
Fély
As-tu une épreuve au trait du frontispice de Musset ?
– Je croyais que ce qui avait fait des taches dans le tapis de la Saisie était l’abondance d’esprit de vin dans la gouache mais je me trompais. Je n’ai employé dans le dernier dessin raté que des gouaches très délayées & les taches sont apparues plus violentes & de la même façon – en séchant. Je suis d’un vexé !!!!!!!!!!!!!!!
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Quadrillé (quadrlllage carré), Blanc.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
Photographie Vincent Everarts