Numéro d'édition: 3070
Lettre de Félicien Rops à [Maurice Bonvoisin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23

Destinataire
Maurice Bonvoisin
1849/05/26 - 1912/03/27
Lieu de rédaction
[Paris]
Date
1877/04/24
Commentaire de datation
Datation sur base de l'apostille.Type de document
Lettre
N° d'inventaire
Bon/LE/11
Collationnage
Scan
Date de fin
1877/04/24
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops
Apostille
1877/04/24
Page 1 Recto : 1
Mon Cher Maurice
Je prends ton excellente habitude de répondre vite aux lettres que l’on m’écrit. Donc contrat fait :
Une grande femme
aquarelle & crayons de couleur
(mon procédé à moi).
6 machines 1° l’Enterrement au pays wallon – seulement je ne peux te « le livrer » qu’en Aout parce que je veux le refaire – à l’huile. Crois-tu que cela serait un tableau à entrer dans la galerie Orban – Je ne le lui vendrais pas cher parce que je veux avoir quelque chose chez lui – une quinzaine de cents francs & cela sera une toute autre machine que l’autre
2° Carte de la Chronique (si je la retrouve)
3° Les ex-libris de Gouzien – j’aurai les plaques.
4° La corde au col !
5° Don Paez état premier
6 Don Paez deuxième état
et
7 Petite tête de Flamande (si je l’ai)
8 Aultre ne veux estre
en surplus si tu es sage !
Page 1 Verso : 2
Je ne pourrai guère te montrer mes bretons avant l’Aout – J’ai laissé toute « ma mercerie » à Brest chez le frère de Gouzien afin d’être débarassé pour le reste de mon voyage de toutes ces machines obstruantes, mais je t’assure que cette terre est aussi vierge que ma maîtresse, qui l’est malheureusement ! – Les Lapons m’ont moins étonné que certains naturels de là bas
Ils sont inouïs, terribles épiques comme de vrais sauvages. – Tu verras mes « vieilles fumant leurs pipes le Dimanche après Vêpres » avec leur coup de cidre. J’ai toujours eu en horreur les peintres qui constituent après les musiciens la race la plus sotte & la plus niaise qui soit au monde, mais jamais j’en jure, par N.D. de Pornic en Balogoë ! – je n’eusse cru à une aussi pyramidale goîtrerie. Pas un ! PAS UN PAS UN ! PAS UN ! PAS UN !!!!!! n’a entrevu cela ! Cette terre intacte qui leur crevait les yeux ! – mon ami, j’ai cotoyé deux cents lieus du granit scandinave, je me suis assis sous les toits de l’île Loffoden où les femmes ont l’air de poursuivre vaguement un rêve commencé dans d’autres planètes, – j’ai mangé du renne avec des Lapons & bu de l’eau de vie de bouleau avec des Esquimaux qui avaient les yeux peints en noir – des yeux de neige – Snow blindness, –
– mais par N.D de Roscoff jamais je n’ai vu d’animal plus curieux pour l’œil
Page 1 Verso : 3
d’un garçon qui est moins crétin que ses confrères, qu’un Bas Breton – des côtes ! – revenant d’un pardon d’hiver à son dixième pot de cidre & grognant en celtique d’un air féroce la légende du bienheureux saint Yves, – grimpé sur un de ces chevaux bretons qui semblent être un croisement de caniche galeux & de baudet, le bâton de houx des Gallois & des Irlandais sous l’aisselle. – Formidable ! –
Maintenant, pour les voir c’est dur ! Comme les héros et le bas de Cuir de Fenimore Cooper – les longues carabines bretonnes, les vrais bretons ont reculé devant les Grandes lignes des chemins de fer & se sont terrés dans les coins sauvages, pas de voitures des chevaux souvent, des chemins quelquefois un vrai voyage, en pays sauvage. Le Finmarck est plus civilisé. J’ai couché dans « la même chambre » qu’un bœuf nature, il y avait en outre cinq cochons, deux chiens de l’île de Sein, – un veau, une pie et sept bretons bretonnant au milieu de tout cela ! Je ne parle pas des animaux plus petits ! Tout cela pose comme l’on veut – en disant son chapelet –
Je crois que je dessinerai peu pour le Monde Illustré, cela n’est pas assez rétribué.
– Je suis heureux de
cinq dessins pour 1,500 frs
à Royer mon amateur.
Deux aquarelles pastels grand format pour 800 francs
Entre nous bien entendu affaires d’argent intimes
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seulement comme je sais que tu portes intérêt aux choses qui me concernent, j’aime à te faire savoir cela.
Tu ne m’as pas dit si tu avais vendu quelques uns de mes dessins à Cadart ou à d’autres.
Quant aux photographies édition intime cela est impraticable, les photographies sont trop mauvaises.
Philippe Burty & moi, sommes en froid. Burty (qui a inventé le Burtisme : c’est à dire l’art de fréquenter les artistes & de s’en faire 10 000 frs de rentes) m’a blessé en vendant de moi à Londres, fort cher d’ailleurs, des dessins donnés par moi & non vendus. Quand je vends un dessin à un ami je lui procure souvent moi même l’occasion de le revendre plus cher qu’il ne l’a acheté & j’en suis heureux, mais lorsque je donne un dessin, que l’acceptant est dans une aimable aisance, cela me répugne de voir vendre ce dessin pour en avoir de la monnaie. Burty a fait cela avec tout le monde ici –. Je ne me rappelle qu’un seul dessin sur bois des Contes Brabançons une espèce de Christ ouvrier avec une jambe trop courte. Quel est le second Où t’es-tu procuré le solferino ?
– L’ordre règne à Varsovie est une chose très intéressante –
Chez Gouin éditeur rue des Écoles, il y a un exemplaire du Chasseur à la Bécasse. à 3 ou 4 frs je crois.
Taëlemans n’a pas ici la plaque de la femme Cabriolante.
Je reste 17 Rue Mosnier, la rue rose de Paris – celle où il y a le plus de femmes !
on me bâtit un atelier rue de Constantinople une manière de petit hôtel cela sera charmant je rêve de t’avoir pour locataire. Je n’entrerai qu’en octobre. –
À toi Cher ami
Félÿ
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
Photographie Vincent Everarts