Lettre de Félicien Rops

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Je ne comptais pas avoir le plaisir de « mettre la main à la plume » à ton endroit ce matin, mais Léon qui croit, malgré mes protestations, et d’après ton aspect plus que froid et plus qu’indifférent vis à vis de la jeune demoiselle, que tu ne tiens pas plus à te marier cette fois-ci que les nombreuses autres fois, me prie de t’expliquer, – puisque sur ta demande elle s’est mêlée activement de la chose, ce qui lui fait incomber une part assez sérieuse de responsabilité, – la façon nette dont elle avait présenté la chose à Marie Bonvalot & par contre à ses parents pour te faciliter l’entrevue de Mardi. – Elle comptait te dire cela elle même, mais elle n’en a pas eu le temps, elle ne savait pas que tu partais hier soir.

– Elle t’avait dit qu’elle comptait associer Marie Bonvalot à son commerce pour que ta femme ne reste pas ouvrière, & qu’elle puisse avoir si tu venais à manquer du jour au lendemain, une petite position ; ta veuve si elle le devenait, doit pouvoir garder a peu près la situation qu’elle aurait. Tu avais trouvé cela tout naturel, & ensemble nous avions fixé à une douzaine de mille francs – 300 frs de rente, – le capital que tu reconnaîtrais à ta femme.

– Léon tient à te dire. tout de suite

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à ce propos que bien entendu, elle ne tient pas du tout, à ce que ce capital soit employé chez elle, pas plus qu’elle ne tient à avoir une associée, mais ce capital lui a semblé nécessaire pour assurer la position de ta femme, – ce à quoi tu as toujours acquiescé d’ailleurs, elle le reconnaît. – Si tu trouves un autre placement plus C’est donc à ce avantageux pour Marie Bonvalot, tu seras libre de verser cette somme entre les mains d’un banquier & de lui donner une autre destination si ta femme y consent aussi.

Cette somme comme je te l’ai dit est dans la pensée de Léontine une compensation de l’écart qu’il y a entre vous et en cela tu ne fais que suivre l’usage qui fait que lorsqu’un homme de ton âge épouse une jeune fille il tâche de lui assurer un peu sa position, dans le cas où il viendrait à lui manquer. Le mariage n’étant pas une affaire de pur égoïsme. Ici tu n’assure pas de position – 300 frs de rente n’étant qu’un fort modeste appoint, mais tu fais preuve de bonne volonté & d’amabilité. Sans compter que placés dans un bon commerce & cet argent revenant dans ton ménage, – c’est un bon placement de ton vivant.

– Il est évident que dans l’apport commun les avantages sont de côté de Mlle Marie Bonvalot. Elle t’apporte ses 20 ans, ses qualités rares et sa jolieté, avec sa jeunesse – si tu n’es pas sensible à ses qualités, c’est que tu es alors trop vieux pour te marier voilà tout, – et en plus son travail ce qui représente l’équivalent de la petite aisance que tu peux lui apporter ! Nous ne parlerons de la classe dans laquelle tu la fais entrer, puisque tu n’as pas de classe et tu ne veux pas en avoir plus que moi, – c’est toi qui fais la bonne affaire. Toi tu lui apportes 40 ans, une fille un caractère assez peu « galant » et une grande fille, – il y a écart avoue le ! D’autant plus que cette brave fille n’attend pas « après toi comme l’on dit » pour bien vivre que tu l’épouses. Voilà comme Léontine a compris les choses, comme nous en avons parlé ensemble si tu te le rappelles & de quel pied tu dois partir vis à vis des parents.

Si tu n’aimes pas cette jeune fille, si comme l’assure de Roddaz tu es trop vieux de caractère pour te marier, et être sensible à une foule de choses, n’épouse pas & n’épouse personne qu’une « bonne dame » Voilà mon opinion nette et je ne te l’ai jamais cachée. – Traite donc nettement cette affaire une fois pour toutes & ne reste pas plongé dans tes indécisions perpétuelles. Épouse ou n’épouse pas ! – on n’a pas besoin de toi. La jeune fille a de la sympathie pour toi et cela ne demande qu’à devenir mieux, – mais je te le dis à mon point de vue ce n’est pas elle qui fait la bonne affaire, et je te le répète si tu ne le sens pas, c’est que tu es trop vieux pour épouser une jeune femme, – voilà tout !