Numéro d'édition: 2898
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
s.l.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6655/469/85
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
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Vite il va être cinq heures & cela doit partir rue d’Amsterdam !
Mon Cher Vieux
Je ne comprends rien à tes reproches Je t’ai écrit trois lettres ! Une par laquelle je te demandais si tu faisais le catalogue Ghémar à laquelle tu as répondu, une Sum de par laquelle je te priais de m’envoyer le susdit catalogue, – Comme tu n’envoyais rien – je t’en ai écrit une troisième ou plutôt un billet par lequel je te disais qu’il fallait envoyer directement à Mme Ghémar ce que tu avais fait, 60 Rue de Malte aux magasins Réunis. Voilà ! – Cette histoire Ghémar m’embête autant que toi, ce sont toujours des amis qui vous flanquent ces machines là sur les reins & c’est on ne peut plus vexant. Dubois aurait pu m’épargner ces embêtements. – Tu comprends que je ne vais pas faire des affiches pour l’Exposition Ghémar !!!!!!!! – Ne viens-tu pas voir l’Exposition, elle est superbe, il y a de merveilleuses choses. Pourquoi ne m’écris-tu jamais ? C’est ridicule Tout ce qui vous intéresse m’intéresse. J’ai vu ici la petite Sabine Geeraerts qui m’a parlé de vous tous, heureusement !
Quand tu verras Edmond dis lui que je ne garde aucun mauvais souvenir de l’affaire du bateau, – voilà tout & j’ai toujours trop d’affection pour mes vieux compagnons
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de vie pour ne pas lui pardonner l’inconcevable empressement qu’il avait mis à accueillir comme vraies, toutes les stupidités qui ont été débitées à ce propos. – Dis à Liesse que je lui écrirai dans quelques jours. – À l’Exposition Le Pantazis est bien exposé et remarqué des peintres, Les deux Artan placés à la cimaise, – nous avons fait placer les deux tableaux au dernier moment avec Gouzien par un Mr de nos connaissances très influent, – sont superbes. Le Verwée qui était mal placé, a plus de succès pour le moment qu’à l’Ouverture, épargne Wauters laisse son monde froid. C’est bien, rien de plus & il faut plus ou moins. Le succès du Salon est un tableau grandeur nature : La première Communion à St Augustin de Gerveix, un de nos amis, à Artan & à Agneessens, – superbe !! puis deux portraits de Bastien-Lepage – des Nittis, – des Béraud, des Pelouze, des Guillemet merveilleux – Une statue d’enfant un pêcheur d’un « couillard ! » comme dit Taelemans parce qu’il faut te dire que le bon Taelemans parle comme ceci : « Viens tu te balader un peu à la halle aux croûtes, y a des tableaux qui sont rien toc, – mince de génie hein ? le Gerveix fait foirer les Pencifards, c’est chouettement loufoc ! y a là des limandes qui vous posent un œil !! – Voilà ce que produit l’atelier Cabanel ! et puis ceci :
Que mon sort serait charmant
Si j’étais Ca
Si j’étais Caca
Si j’étais Caba nel !!! (le ré dièze de Tamberlick !)
Mais qu’il serait emmerdant
Si j’étais Ca
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Si j’étais Ca Ca
Si j’étais Caro
lus !!! le ré dièze de Tamberlick !
Et le chœur ajoute : Du rrran Du rran Dubran – Du ran du bran. – Durrran Dubrrran ! en roulement de tambours ! –
Tu ne peux t’imaginer l’effet de cette scie & la fantaisie de l’air dû au génie précoce du fils de Delaunay de la Comédie Française. – Cela se hurle dans tous les ateliers de France. – Rencontré un tas de Belges au Salon – ils trouvent tous « qu’il n’y a rien » !!! Et note que depuis dix ans il n’y a pas eu un salon aussi intéressant. Verwée trouve que le grand art « fort » godferdoum ! est foutu ! C’est inouï ! – bien entendu ceci entre nous, – on m’assasinerait !! – Taelemans marche bien, il fréquente toujours les Cabanelistes – ce à quoi je l’engage fortement – il est toujours bon « d’apprendre » ; – et il peint des intérieurs de ville très intéressants, je crois que c’est là son vrai genre. Il a fait des études d’architecture qui lui serviront beaucoup et c’est toujours le bon petit compagnon que tu sais, joyeux remuant & décidé, puis Paris l’a affiné, à son avantage. Je suis refugié dans l’ancien appartement des mignonnes 17 R. Mosnier, en attendant mon atelier. – J’ai été flanqué à la porte du passage Ste Marie par le boulevard St Germain. Les Mignonnes sont toujours les mêmes – de simples anges, & les meilleures joies de ma vie. Elles ont repris l’appartement de devant sur le même palier. Elles ont peut-être l’intention de quitter le commerce qui les fatigue & les ennuie
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pour aller habiter la Campagne : Neuilly Asnières Bas Meudon ou une machine comme cela : Je les y engage fortement. – La campagne Parisienne est à un quart d’heure de Paris par les trains de banlieue & je voudrais les voir « ne plus travailler » Elles ont fait un petit héritage qui leur permet de vivre à leur aise, modestement. Elles l’ont bien mérité ! Ah Mon Cher Vieux les honnêtes & vaillants cœurs ! on n’en fait plus comme cela, & je peux avoir été bien souvent secoué par la vie, elle m’a donné en ces deux femmes là de bien grandes compensations ! – les vraies. – Nous ne savons où nous passerons l’Été, nous avons quelqu’idée d’aller à Samoreau dans le forêt de Fontainebleau louer « une villa ! » – Si nous y allons viendras-tu passer quelques jours avec nous ? – il y aura un lit pour ton corps & la forêt pour ton esprit.
Samoreau est sur la Seine près de ce joli endroit qui s’appelle : la Croix de Toulouse
À toi topographe !
Croquis
Bois le roi / Chemin de fer / Samoreau / Thomery / FORÊT / Fontainebleau
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR