Numéro d'édition: 2773
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
s.l.
Date
1887/04/30
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6655/468/194
Collationnage
Autographe
Date de fin
1887/04/30
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Apostille
Rodr Claire
Page 1 Recto : 1
30 Avril 1887
Mon Vieil,
Je suis rentré hier chassé par la pluie, – de Barbizon, où j’étais allé me mettre un peu, au plein vent. Pas de peintres la bàs, ils sont ici pour leur exposition, ce qui fait que les gorges d’aspremont ont leur calme nécessaire, & les bouleaux sont tranquilles. J’ai trouvé ta lettre & je vais t’expliquer pourquoi, je me fais adresser mes lettres poste restante lorsque je suis à vagabonder. Une lettre arrive par ex. en mon absence, au 21. Bon, la portière du 21 ne me trouvant pas, la porte en dessous, à ma bonne. La bonne la remet à ma femme. Ma femme la fait envoyer à la Roche-Claire, lorsqu’elle ne l’oublie pas. Madame Duluc mère la reçoit. Si je suis au bois ou sur la rivière, elle met de côté la lettre. Terrible : la de côté ! C’est : soit le banc du jardin, son tiroir aux chiffons, ou comme l’autre jour : à la cave audessus du garde manger. La mère Duluc avait reçu des mains du facteur, la lettre, de la main gauche, elle avait un fromage dans la main droite, elle est descendue à la cave pour mettre son fromage dans le garde manger. Pour exécuter cette manœuvre, elle a déposé la lettre sur le dessus du garde manger, où je l’ai retrouvée, & j’ai appris ainsi que : le dîner de La Vrille avait lieu le 12 avril, nous étions le 18. Charmant.
– Ne pouvant pas changer la mère Duluc qui continuera toute sa vie à être un
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oiseau de Patay & à chanter : Je n’ai pas encore seize ans, de Mr Dalayrac ; c’était à moi à prendre parti. Et je l’ai fait radicalement. Je me fais adresser mes lettres importantes celles de mes amis intimes – à Paris – poste restante. De cette façon je les ai. Les autres continuent à me parvenir par la voie : fromage de Brie. Je m’en fiche. – Voilà. – Tu sais que personne ne se permettrait & ne se permettra jamais d’ouvrir une lettre chez moi, à moi adressée, mais il faut compter avec les cervelles gaies des vieilles dames francaises.
– Je ne suis « pas bien du tout » Mon Vieux, & voilà mon diabète phosphateux, qui reparaît, après un hiver de travail & de manque d’air. Je suis navré. Entre deux éclaircies, je vais partir pour la Semoy. Aussitôt à Herbeumont, je te télégraphie ; si je vais jusque là, j’y serai vers le Lundi 9 ou le Mardi 10. Dans tous les cas, je ne perds pas une seconde & je te télégraphie. Écris moi sur une carte postale ou par lettre l’heure du dîner offert à la mère Popp
Mais il a fallu trouver : les frais, qui se paient, tout de suite !!! Et je ne suis pas encore propriétaire !! – Je ne le serai qu’après les quarante jours pendant lesquels les créanciers peuvent surenchérir !! En cas de surenchère, on me rembourse les frais si je sursurenchère pas, & tout est dit. Ce serait bien embêtant, car l’affaire est réellement bonne. J’ai été aidé par l’affaire Schnaebelé, beaucoup de gens, entr’autres mon voisin le carrier, ont été arrêté par la redoute volante qui, en cas d’invasion, doit être établie entre l’Essonnes & la Seine, à l’endroit précis où Marmont en 1815 livrait ses 20,000 soldats au prince de Swarzemberg. Et comme la terrasse de la Roche Claire a été désignée comme l’endroit où l’on doit établir une batterie, cela a fait fuir les acheteurs. J’ai reçu la visite de deux officiers de Génie il y a cinq jours. Cette perspective ne me sourit guère, ni à mes pauvres rosiers ! L’un des officiers m’a dit : « Joli position » on peut bombarder Corbeil d’ici ! important ! » Puis il a griffonné sur un calepin, & il est filé en me disant : « Nous nous reverrons peut être ! – Qu’ils aillent au Diable eux & leur batterie ! Vois-tu la Roche-Claire après la Guerre ! Enfin jusqu’à présent cela m’a servi. –
Donc je n’ai pas le sol, mais j’ai un billet par Givet. Je pourrais aller à Sedan
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de Sedan à Bouillon & de là à Herbeumont mais je te dis : je ne suis pas bien & une marche un peu longuette me serait difficile. peut être irai-je par Monthermé, mais cela me paraît long & plus long.
En tous cas attention : Si je pousse jusque là, je te télégraphie à l’instant et tu viens me rejoindre sans cela je n’irais pas.
Embrasse ta femme, sois heureux & travaille, risettes au petit. –
& à toi ma vieille poignée de main d’antan.
À bientôt j’espère
Fély
Champsaur est un peu plus que ce que tu dis, je te ferai bien rire en te racontant une lettre qu’il m’a écrite après l’article ; – Étonnante !!!!
Je m’occuperai de ce que tu dis : pour la correspondance, & je ne désespère pas de mener cela à bonne fin. J’en parlerai à quelques uns, & j’en « rereparlerai » – car ici il est nécessaire de rerereparler » sans cela on oublie !! Ah ! je connais mon Paris !! Nous reparlerons aussi entre nous solidement de cela là bas.
Ci joint la lettre à propos de l’ami Cassiers, donne là à ton beau père.
J’avais oublié de la mettre dans la dernière lettre que je t’ai écrite.
À toi À vous
Et réponds moi – toujours poste restante car je refile à Corbeil.
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Lisse, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR