Numéro d'édition: 2753
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
Corbeil-Essonnes, Demi-Lune
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6655/468/174
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Apostille
1885
Page 1 Recto : 1
Mercredi
La Roche-Claire par Essonnes
Mon Vieux,
Je suis ici accroché par un tas « d’ouverriers » qui me tiennent à l’heure. Je lâcherais tout malgré cela, naturellement, pour aller te-vous embrasser au passage mais Clairette est ici seule pour raison de santé. Elle retourne à Douvres dans quelques jours, – et je ne peux guère la laisser sans ma forte garde en cette ruine, où j’engloutis ma fortune : les six sous du Juif-Errant !
– Dis bien à notre nouvelle amie ma belle sœur, ta femme que tous ses nouveaux amis je suis certainement celui qui sera le plus heureux de la savoir heureuse. J’espère que Bruxelles vous deviendra odieux & que vous arriverez avant un an vous fixer dans un joli cottage des environs de Paris dans lequel je planterai des rosiers qui célébreront la bien venue à
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Madame Léon Dommartin, en français galants qu’ils seront.
– Ce jour là nous seront en vraie fête & nous ferons à ta femme une réputation digne d’Elle. Quant à toi, Mon Vieux, il faut réellement que tu aies fait dans ta vie une bonne action que j’ignore pour mériter tous ces bonheurs.
À toi – À vous – à bientôt.
Félÿ
Uzanne que tu verras sans doute, est en pleine joie de propriétaire, il fait de l’Élysée-Uzanne un morceau de la « Vraie Élysée ».
– La Roche Claire est un endroit exquis, mais où je serai forcé de vivre tout nu car j’y mangerai mes culottes. Cette position n’a d’ailleurs rien qui trouble ma pudeur. – La maison rappelle les ruines de Palmyre – sans Palmyre. Le Jardin appelait les pionniers du Far-West. Tout cela se rebouche, se gratte, se pioche, se sème ; – j’ai arraché les pêchers qui avaient été mangés par les pommiers & les pommiers qui avaient été mangés par les acacias.
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je laisse les acacias parce que les rats les mangent & que s’ils n’avaient pas cela ils me mangeraient ! – Nous prenons notre bain tous les jours, & le canot est sur chantier. Cela ne nous empêchera pas d’aller à la mer ! – J’espère qu’en repassant tu viendras avec ta femme déjeuner à la Roche-Claire. Le train pour Moulin-Galant t’amène à dix minutes de ma porte. – Je ne sais pas si Roche-Claire sera la maison « définitive » le coin où l’on vieillit « ma vigne » comme on dit à Vendôme, mais je le désire vraiment. Ici, c’est « une Meuse » plus douce, moins grave & moins belle, mais le vin des Hauts Vignons rit dans nos verres, & déjà les « mounières » nous font une ceinture d’argent. C’est une autre contrée avec cependant des affinités qui me la rendent plus chère de jour en jour. – Puis il nous est défendu sous peine d’oubli & de castration de nous éloigner de Paris, dont nous vivons & de qui nous vient toute ardeur. Évidemment il y a des pays plus saisissants, plus beaux, plus chauds plus grands, mais cela n’est pas d’ensemble avec notre Vie, & cela n’a pas Paris. La côte de Corbeil à Seine Port est ce que je connais de plus « complet » Nous reparlerons de cela dans le cas où tu voudrais
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revenir ici – Je tiens une affaire très belle qui ne coûtera pas plus de quatre mille francs. – Ce qui est merveilleux dans cette partie du coteau ce sont les fontaines sur les hauteurs On a tout ce que l’on peut désirer aux environs de Paris : La Seine, d’audessus de Paris, avec de l’eau tellement claire que nous la buvons, la forêt des Rougeaux, le bois de la Guiche, le bois de Seine-Port. En deux heures de marche je suis aux rochers de Nainville qui rappellent le long Rocher, j’ai un omnibus qui nous mène près de Chailly & de Barbison & je suis à 3 frs 20 aller & retour de la rue de Grammont. Je ne parle pas de la situation toute exceptionnelle – au dessus de la petite chaîne des Roches Claires. Je t’espère des nôtres un jour. Cariès que tu devras aller voir, car il t’aime beaucoup va en être, – cela fera une équipe ! – comme au bon temps.
À bientôt Mon Vieux Mon très jeune veux-je dire, car nous n’avons pas d’âge puisque Ceux de la plume & du pinceau & de la lyre sont immortels ! & embrasse ta femme pour moi Heureux Immortel ! Voilà un post scriptum plus long que la lettre comme toujours.
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR