Numéro d'édition: 3488
Lettre de Félicien Rops à [ Melchers]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Lieu de rédaction
Paris
Date
1893/03/05
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
RKD/001
Collationnage
Autographe
Date de fin
1893/03/05
Lieu de conservation
Pays-Bas, La Haye, Rijksbureau voor Kunsthistorische Documentatie
Apostille
Félicien Rops
Aucune image
Page 1 Recto : 1
Paris, le 5 mars 1893.
Mon Cher Monsieur Melchers,
Il faut que vous preniez votre indulgence des grands jours. Voilà près d’un an que je vis aux champs, renonçant, – pour guérir, – à tout ce qui fait le bonheur humain, & presque à la Vie ! Cette année je l’ai passée dans les plus tristes angoisses, croyant de mois en mois perdre la vue, & me sentant m’enliser dans des nuits éternelles ! C’était la mort ambiante. J’en étais arrivé à ne plus espérer rien de moi-même, & à ne plus m’intéresser ni aux hommes, ni aux choses. J’ai beaucoup souffert et plus moralement que physiquement. C’est ainsi qu’il m’a été de toute impossibilité de m’occuper de ce dont je vous avais promis de m’occuper. J’avais déja été en pourparlers avec plusieurs marchands de tableaux, qui d’ailleurs avaient tous comme prix, des prétentions très élevées ; je vais reprendre ces pourparlers et je tâcherai de vous obtenir une salle, avec quelques atténuations pécuniaires.
– Le moment maintenant est propice au point de vue du public. Les gens reviennent des villes du midi, mais aussi les mois d’avril & de mai sont les mois où les locaux coutent le plus cher. Envoyez-moi deux ou trois petits tableaux, cela facilitera la transaction, car les gens comme Duran-Ruel par exemple, ou Bernheim, veulent voir, ce qu’ils vont exposer avant de prendre une décision. Ces gens là sont des animaux à prétention d’art ! La salle Petit la plus en vue, en vogue, et en
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renom, est inabordable : 100 frs par jour !
– Il faut avant tout une salle sur la rive droite, – la rive du mouvement & du train-train mondain. Je verrai aussi un marchand de tableaux Brac de Boutteville qui commence à faire parler de ses expositions, entièrement publiques. De Groux a exposé dans des salles perdues de la rive gauche, & à part quelques critiques d’art, on n’y a pas été. Exposer pour être peu vu me semble inutile, & même mauvais. Comme je vous l’ai dit deux ou trois petits tableaux, de vos meilleurs, aideraient beaucoup à la conclusion de l’affaire. Tous ces gens là naturellement sont des sots bouffis de vanités & de prétentions, se croyant bon juges, ignorant comme des caniches, & à qui l’on peut imposer une opinion ; mais des sots avant tout, comme je vous le disais tout à l’heure. Je verrai tous les locaux disponibles. On expose souvent, comme les Néo-impressionnistes, dans des locaux à louer ; mais il faut des tentures, des locations de mobilier etc &c et cela finit par revenir plus cher, que de passer par les salles des marchands.
Pour intéresser le marchand à son exposition & obtenir des réductions, il faut avant tout leur montrer quelque chose, quand on n’est pas encore connu à Paris. C’est absolu.
À bientôt donc, car si vous passez le mois de mai, vous ne pourrez exposer qu’en octobre ou novembre.
J’embrasse ma nièce, & je vous serre très affectueusement la main.
Félicien Rops
Heureusement me voici rentré dans « l’Existence Effective » & je pourrai donc
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je l’espère remplir les promesses que je vous ai faites l’an dernier. Je l’espère !
F.R
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Beige.
Mise en page
Écrite en Plume. En-tête: "BV" enlacés en filigrane.