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La Roche-Claire
14 Déc. 1887
Mon Cher Monsieur,
Je connais Salis, j’ai vu l’Épopée, & j’ai serré la main à Caran d’Ache.
Salis est un joyeux garçon d’esprit, l’Épopée est digne d’applaudissements & Caran d’Ache est un artiste de beaucoup, – beaucoup de talent. Vous devriez plutôt parler de lui – en vos revues, que de moi, – un « sage » peut-être : un sauvage à coup sûr, & du Danube encore !!
J’ai donc le regret de vous refuser. Je serai Vendredi aux champs, je suis en train de planter les arbres que j’ai rapportés du Haut-Canada & des bords de la rivière Saint-Clair, dont : le Rhus Toxicodendron & le Rhus radicans, deux ineffables Térébinthacées, très vénéneuses, que j’importe pour la joie de nos
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petits neveux, qui ne mériteront pas mieux a en juger par leurs oncles, dont nous sommes !
Acceptez Cher Monsieur l’expression de mes affectueuses Civilités.
Félicien Rops
À propos ne m’appelez plus : maître s’il vous plait ! Je ne suis & ne serai jamais qu’un « compagnon », quoiqu’à l’âge du vétéranisme ! J’ai en horreur ce mot là. C’est bon pour Monsieur Meissonnier ou pour ce fort chevaucheur de Muse qui s’appelait Rembrandt, quoique le premier n’ait guère la queue de l’emploi !!! mais c’est reconnu : Mr Meissonnier est un « maître », ah !
« Magister artis roseoe ! » à la bonne heure ! comme on vous couronnait dans votre Toulouse, au temps de Clémence Isaure. Une grue à musique celle-là & bien coupable ! – Donc c’est entendu n’est ce pas ? Appelez moi Bouguereau tout de suite plutôt !
F. R
Racine : Bulgre
Bulgare, Bougre
Bouguereau : pédéraste : petit pédéraste, au 16e siècle
Je ne m’étonne plus de la stérilité du Mr !
Je n’ai reçu qu’aujourd’hui 14 votre lettre. Ma femme qui va à Paris ; vous fera porter cette lettre afin que vous puissiez l’avoir plus vite, ou la mettra à la poste ce soir.
Commentaire de collaboration
Clémence Isaure est un personnage médiéval fictif, à qui on attribue la fondation ou la restauration des Jeux floraux de Toulouse au début du XVe siècle. Elle aurait redonné du lustre au concours de gaie science, c'est-à-dire de poésie, grâce à ses libéralités à la fin du XIVe siècle ou au début du XVe siècle. Il existe l’Académie des Jeux floraux qui est une société littéraire, reconnue comme académie royale en 1694 par Louis XIV. Toujours active de nos jours, elle participe au rayonnement de la ville de Toulouse par le biais de la poésie.