Numéro d'édition: 2804
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
s.l.
Date
1889/09/24
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6655/468/225
Collationnage
Autographe
Date de fin
1889/09/24
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Apostille
contre Belges
Page 1 Recto : 1
24 7bre 1889
Te trouve parfait. J’arrive en Belgique « exprès » comme on dit en cette terre obtuse, après les grandes manœuvres, ne doutant pas que ces stupidités passées, tu vas reintégrer le domicile conjugal & rentrer au Coq, naturellement. Où te prévenir pendant les manœuvres ?? Je flâne de plage en plage, & j’arrive au Coq. – Ta femme m’a dit ignorer depuis huit jours où tu étais. À toutes mes demandes d’adresses pour te télégraphier ou te téléphoner : « Je ne sais pas où il est ! il viendra peut être demain. » J’attends quatre jours au Coq à m’embêter, car cet endroit est très crevant dans le fond & dans la forme. Le fond est représenté par les échalas, & la forme par Collinet & Passebonder père, mère, fille & gendre.
– N’oublions pas la mère Collinet qui possède le plus bel eczéma de la Flandre Occidentale, ce qui remplace les couchants de soleil. Heureusement que ton jolis petit gas, & la petite à Cassiers me consolaient de ces hideurs. Laid peuple les Belges. Très laid.
Page 1 Verso : 3
Encore je n’osais aller trop chez toi en ton absence. Connaissant la méchanceté qui est le complément de la bêtise de ces cochons là, on n’eut pas manquer de dire que j’allais faire la cour à ta femme, à ta fille, à Mme Cassiers & à Mlle Cassiers. Les connaîs va !! – J’en ai appris de belles sur mon compte à moi !!! – Peuple de rosses tout simplement. Bêtes, plats, sans l’ombre de cérébralité. On pourrait couper toutes les têtes de ces animaux là, & les remplacer par un tube à gaver les dindons, le pays n’en marcherait pas moins bien. Leur génie commence à l’œsophage & ils ne produisent que du guano, – et encore celui des pingoins est supérieur. Au bout de quatre jours, je suis parti pour la Panne espérant que tu viendrais m’y retrouver. Va te faire fiche !! – C’est encore la Panne, le plus beau coin décidément au point de vue des dunes, & des bosquets sérieux.
– Ce que je fais en Octobre ! Ah ! Je travaillerai dur, il faut bien payer les tournées d’Exposition & la vie luxueuse de l’Été ! Les déjeuners roumains, hongrois, slaves, russes, espagnols &c &c. C’est que le bon Polichinelle était distancé comme vie ! Cela a été d’un joli tonneau va ! Il y a eu un mois de juillet étincelant, avec des nuits bleues illuminées & toutes les femmes du monde souriantes & amoureuses. Mais cela n’empêchera pas les petites fugues dans les paysages rougissants. « en les rubréfiées feuillées manifestantes » dirait le puriste Lemonnier. Bref la Belgique m’a dégouté. Blankenberghe est peut être l’endroit de l’Europe où s’étale dans sa graisse, son orgueil, sa crasserie, sa viduité intellectuelle, sa patauderie physique le plus laid & le plus repoussant des Tiers-État !! Et avec des Allemands de bas-étage autour, c’est complet ! Je t’assure qu’en sortant de la jolie gaieté fine & spirituelle, des sourires & des joies d’ici le contraste était terrible pour notre « belle patrie ». –
À bientôt Mon Vieil, nous irons manger la bonne andouille de Corbeil, la vraie, celle que les vieux abonnés de l’Odéon & du Théatre Français viennent manger au Vieux Garçon, et là les yeux sur les coteaux bronzés déja, nous causerons ensemble des choses que nous aimons.
À toi.
J’embrasse tous les tiens.
Fély.
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Vergé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR