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Mon Cher Dom,
dis moi ce que tu deviens ? Et comment se porte la mignonne Émilie ? On t’a espéré en vain. Je viens d’accompagner à la gare d’OrléansUzanne Octave qui va jusqu’à Smyrne faire un voyage bien gagné par un hiver rude, & plein de travaux que j’ai partagés ! Je finis mon quatrième grand dessin pour son livre Son Altesse la Femme qui parait en octobre & il va labàs faire une excursion préparatoire pour un livre sur l’orient commandé à nous deux par l’argentier Quentin. J’ai rudement travaillé !! Mes œuvres Inutiles ou Nuisibless’étalent chez Conquet & je mets sur cuivre Mlle de Maupin. Les Sataniques paraissent & – enfin ! – le noble amateur monte au 17 de la Rue Drouot !! Aussi viens-je de louer à Bièvres en Josas un bout de campagne qui partage la Bièvre en deux bras, & où je donne audience aux rossignols & vice-versa. Tu verras cela ! – Demain le vernissage du Salon ; – ne te verra-t on pas allonger, sur les blancheurs de la place de la Concorde quelques belles ombres nazales ?? – Je lis la Chronique de temps à autre, il y a un Marchand de
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journaux au boulevard qui me vend des numeros de mars, en avril, mais cela suffit pour rester au courant des palpitations morales de notre belle patrie. Quand tu auras épousé Mlle B tu m’achèteras « Mes Prisons » souvenirs de Belgique. Car tu deviendras bourguemestre de Lodelinsart ! C’est écrit. – Ma maison à Bièvres s’appelle les Jolisnets – entre nous les Jolis nenets, tu sens Filleau là. J’en ai fait une « bien bonne » à Camuset, j’ai été à Dijon (avec une passe !!!) J’arrive 2 Rue de La Monnoye : Camuset dirige une maison d’oculisterie. Mr Camuset était à la Campagne !! Le Domestique me dit : « Mr attend Mr & m’a dit de coucher Mr & de lui mettre des Compresses » Je me couche ! le domestique me demande à quel œil il doit mettre des compresses. Je lui dis : à celui que vous voudrez ! – il me flanque deux compresses. Camuset rentre & me dit. Hé bien Mr « Lenoireau » comment cela va-t-il depuis hier ? – M.. ! – Cambronne !! dit Camuset une résurrection !! Tu vois le tableau & « le dîner » d’ici ! – Tous les clos de Bourgogne y ont passé, & à 5 h. du matin, Camuset complètement pochard m’appliquait des compresses de Clos Vougeot sur les yeux, un rien & il m’aveuglait pour de vrai ! Je dois la vie à Mr le Directeur de l’Académie de Dijon qui m’arrachait les compresses, – pour les sucer ! – Et voilà comment en l’an de grâce 1883 on passe la nuit au pays de bons Burgondes. – Et Liesse ? – Sel nimy, ver symius l’Art gâtât !
À toi & embrasse la fillette pour moi.
Fely
Quel dommage que tu ne te maries pas ici ! – Ah les bons joyeux ménages que nous aurions fait, vieux cochon d’indécis dans la vie que tu fais – Vieux rateur. Je t’en veux, – pour toi.