Numéro d'édition: 2675
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
s.l.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6655/468/94
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Apostille
Rops amoureux 76?
Page 1 Recto : 1
Cher Vieux,
J’allais t’écrire lorsque ta lettre est arrivée, elle est arrivée à point, je t’écris & j’y réponds. C’est vrai je devais t’écrire il y a un mois, j’ai toujours remis de jour en jour avec cette vieille bête de négligence que tu me connais. Ici j’ai travaillé, mais j’ai été tenu par le le Monsieur me prévenant que mes amis me bêchaient » tu comprends qu’il ne te regarde en aucune façon, – et ne peut te regarder. Tu es en dehors de tout cela naturellement & la pensée ne m’est pas venue un seul instant que c’était de toi qu’il s’agissait. Mais je l’ai écrit à Liesse, parce que il y a des choses qui ont été dites & qui viennent de Liesse ou d’Edmond. – Plutôt d’Edmond que de Liesse parce qu’Edmond est effroyablement inconséquent et bavard. Il m’a fait beaucoup de tort dans l’affaire des petites Renaux en allant crier partout qu’il était l’amant de l’ainée & en racontant les parties carrées & sexagones. Les Dlles
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évidemment par méchanceté, mais Liesse dit, par manque de tact, des choses qu’il ne devraient pas dire, & Edmond par bavardage pur, comme sa mère qui double la bonne gazette de Mons. Je suis encore pour un mois ici, – je suis installé à la Villa Bella tout seul, je loge à l’hotel de Paris la vie n’est que trop douce. Parlons de toi j’ai des choses sérieuses à te dire, nous parlerons de moi après.
Ne serais-tu pas tenté de venir te fixer à Monaco ? La place de journaliste du journal de la Principauté est libre. Un n° par semaine 300 frs d’appointements 200 de l’administration – Un merveilleux pays pendant dix mois de l’année trop chaud pendant deux mois, mais enfin on ne peut pas tout avoir ! – Les plus jolies femmes de la terre sous l’œil pendant six mois. – Il faut rester ici toute l’année, mais on peut avoir des congés. – Gouzien et moi nous pourrions t’obtenir cela. Examine, pèse. Je pourrais difficilement te donner un conseil. La place n’est pas ennuyeuse. Nice est une grande ville on va & on vient. Pendant l’hiver il y a à Nice dix journalistes du crû, & une demi douzaine d’artistes. Monte Carlo est une merveille. – Je n’aurais peur que d’une chose que tu ne te fasses pas au pays, ou que cela ennuie ta mère. Enfin examine la question & si tu n’en veux pas propose la de ma part à Liesse.
Pour ton livre La Lesse, nous irons ensemble chez Lemerre & je suis certain qu’il consentira à ce que je fasse un frontispice pour ton livre ; – je le ferai dans le genre du
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l’Affuteur que j’envoie à Liesse en épreuve de rebut. Tu prendras ces machines là & encore d’autres lorsque tu viendras à Paris. Je compte aller voir Paul en avril. Nous reviendrons ensemble. Je te garderai tes deux cents francs en y ajoutant une cinquantaine « de frais » tu auras ton voyage payé. Car il est temps que tu viennes. D’abord la moitié du temps nous mangerons chez les
Ici nous avons eu deux jours de pluie, il a fait un peu froid & il a gelé un degré ! les Monégasques ne mettaient plus le nez hors de leurs manteaux & levaient les yeux au ciel pour lui reprocher son inclémence. Les orangers la trouvaient mauvaise & les palmiers protestaient de toutes leurs palmes. Cela n’a pas duré sans cela les Niçois fondaient un Club de patinage & le père Blanc transportait son carabitje à Madère. Ottelet & une demi douzaine de Belges sont venus se faire attraper une culotte de trente & quarante qui va faire partie de la garderobe Philippart ; malgré les prudents avis du bon Rops.
– Moi, Cher Vieux je suis très amoureux, j’ai eu peur ! Je ne veux pas « Renauder » ici & cela prenait ce mauvais pli. J’étais fortement pincé, je le suis encore et terriblement. Mariée – 30 ans – irrésistible. Il me faudra bien vite repartir vers la rue Mosnier et me refugier dans ce milieu honnête, sain tonique. La vie est trop intense ici. Cela a une influence je t’assure : Le soleil, la mer cérulée, l’excitation tuante du Sirocco, l’odeur des Eucalyptus tout cela vous monte positivement au cerveau & vous porte aux folies amoureuses. – Cela m’a appris du reste à être plus indulgent pour les autres en général et pour toi en particulier. Je commence à croire qu’à ta place, j’eusse fait comme toi, – c’est monstrueux, mais c’est formidablement entraînant. Cela m’a fait pivoter sur mon axe comme un Tonton. J’en étais un peu honteux. J’ai fait d’ailleurs des choses épiques que Liesse a dû te raconter. – Enfin la Mignonne Auré fera envoler tout cela – Elle sont toujours
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les mêmes bonnes, dévouées, parfaites, rue Mosnier. – Je termine ma lettre au plus vite, – on doit la porter à Monaco & il reste juste les quinze minutes que tu attendais toujours pour aller d’Anseremme à Dinant & arriver à Yvoir. Tu me manques beaucoup ici Cher Vieux je manque d’intimité. – Mon
À toi Cher Vieux
Je t’embrasse
Amitiés à nos amis.
Fély
Écris moi.
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Quadrillé (quadrillage rectangulaire), Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir. En-tête: S.I.A..
Copyright
KBR