Numéro d'édition: 2620
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
[Bruxelles]
Date
1873/03/10
Commentaire de datation
Datation sur base du cachet postal d'envoi et de l'apostille.Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6655/468/34
Collationnage
Autographe
Date de fin
1873/03/10
Cachet d'envoi
1873/03/10
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Apostille
10 mars 73
Page 1 Recto : 1
Je suis fort embêté Mon Cher Vieux de ce qui arrive à Armand, mais il se tirera d’affaire j’en suis parfaitement convaincu. Il est de ceux qui non seulement trouvent des truffes sur le radeau de la Méduse, mais encore un cochon pour les déterrer, sauf à manger le cochon pour lui épargner la douleur d’assister à un sinistre maritime. Si Gouzien n’a pas été aussi chançard qu’il le mérite c’est que pour un Breton il n’était ni assez royaliste ni assez catholique ; & il le deviendra ! – comme nous heureusement ! – « L’avenir est en train de nous tresser des couronnes » Je disais déja cette phrase dans l’Entracte devers l’an 1854.
Maintenant chantons Glycère : Mais bêta ! si je ne t’ai pas écrit & si tu ne m’as pas écrit c’est que je n’avais rien à te dire : tout simplement. – On m’avait dit que de nouveau tu caracolais en veste abricot & en pet-en l’air cuisse de nymphe à la gauche de Cydalise, – écrirait Arsène Houssaye ; – & j’avais assez
Je t’ai répeté les méchants propos & les bruits imbéciles que l’on colportait à travers les petits mondes b vois. Je devais le faire, tu as bien agi : tu as rompu. Une fois prévenu & mon devoir d’ami rempli : le reste te regarde ! – Si le chien de l’Évangile retourne à son vomissement
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c’est que ce caniche biblique, avait, – (tout me porte à le croire) – engueulé quelque bon morceau & qu’il voulait en retâter.
Les questions de bonheur sont incompréhensibles parfois, même jugées par des esprits de même trempe, lorsqu’un garçon d’une cervelle encore d’une aimable dureté, se livre à des cabrioles de Toqué : c’est qu’évidemment il en tire un bonheur certain & lui seul alors a voix à son chapitre. – Les amis dévoués rangés en chœur comme les Grecs autour du danseur Bathille peuvent déplorer l’inconvenance de ces manières là & le peu de retenue de sa Phyrrique, ils ont le droit de manifester leur indignation sur le mode Lydien, mais là s’arrête les devoirs de l’Amitié Attristée : il faut laisser Therpsicoriser Bathille à sa guise, jusqu’à en être dératé. – Alors on lui frotte le nez d’huile fine, on lui tapote dans les mains, on ajuste son calecon avec une épingle, on le ramène au logis & on n’en parle plus : Voilà !
L’Art Universel ? – c’est l’Art Libre arrangé à la Lemonnier – Cela n’en est pas plus mauvais pour cela & je t’engage même à te soulager la dedans des flatuosités artistiques que tu dois encore avoir dans le ventre. – C’est un bon petit endroit fait pour cela, – et le papier n’y manque pas. Je n’ai pas besoin de te dire les derniers moments de l’Art Libre il est mort de consomption, – il est tombé avec ses sœurs les feuilles de Novembre pour renaitre en février rebaptisé par Lemonnier.
Jusqu’à présent c’est beaucoup plus pratique
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que l’Art Libre : Cela donne de vraies nouvelles, cela a des correspondants qui écrivent des correspondances, des courtiers d’annonces qui apportent des annonces, & des baîlleurs qui baîllent – comme les lecteurs. L’homme est doublé d’un commerçant & Lemonnier m’a toujours fait l’effet de publier ses volumes pour y fourrer des pruneaux de Tours, l’age mûr arrivé. – Très pratique ! Lemonnier, & ne déjeune pas d’un sonnet comme ce béjaune de Liesse. Il vaut encore mieux que L’Art Libre se continue sous cette forme que de ne pas se continuer du tout.
Nos amis ont des fortunes diverses : Dubois se marie, il épouse la veuve d’un peintre dont personne ne sait le nom pas même la Postérité. – Celle là me fait l’effet d’une enfant hardie : avoir la chance de devenir veuve d’un peintre & être prise de la nostalgie du Jaune de Naples & de la soupe au rognures de palette après six mois de veuvage : c’est raide ! – Artan est à Anvers, il fait semblant de croire que c’est Nice & qu’il est en villégiature dans le Midi, nous, nous faisons semblant de croire qu’il est là pour les bateaux, il n’y a que sa femme qui sait pourquoi il y est. – Il tapage là bas dans les cercles après le dixième petit verre & appelle de Keyser : Crapule ! ce qui fait verdir le nez d’argent du bourguemestre comme si on le plongeait dans l’acide sulphurique. – Lambrichs fait ses affaires & pourctraite les gens en place la magistrature levée, assise, couchée, en chemise, – il est bien vu dans le monde où on trouve que pour un réaliste il ne crache pas sur les tapis & qu’il ne pince les fesses aux bonnes
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que dans les corridors & juste ce qu’il faut ! Mais viens voir cela par toi même quand tu voudras en Belgique, il y a toujours à gagner avec les voyages & Bruxelles depuis l’an dernier a déja changé de physionomie. –
Mes amitiés & des meilleures chez toi. J’écrirai demain à Armand. À bientôt j’espère &
Je t’embrasse en attendant
Fély
Ma
Paul te font des compliments. Paul porte solidement & s’occupe beaucoup de la culture de l’Ardisia Crenata & de l’Arum Ethiopicum que de Victor Hugo que je veux ! – Il patine admirablement & nage comme son père, or comme de deux hommes sur la glace le premier est celui qui patine le mieux & que de deux hommes dans l’eau le premier est celui qui nage le mieux : – que l’on ne va que rarement à l’académie parce qu’on y sent le renfermé : je lui donne une éducation bestiale, ce qui en fera un garçon d’esprit & bien portant.
Quand tu viendras je te réserve des surprises blondes – À toi
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, (Papier Deuil), Crème.
Mise en page
Écrite en Crayon Gris.
Copyright
KBR