Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]

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Je ne t’ai pas écrit de Paris pour une foule de raisons, – comme je n’en trouve pas une seule bonne, je t’épargne les autres. Il y en avait cependant une sérieuse : c’est que Gouzien t’écrivait pour nous deux.

Je suis à Noyon, ma femme indisposée a dû s’arrêter en route, & voilà comment on arrive en des villes fantastiques & charmantes comme celle-ci, – tellement charmant, Noyon, que si nous faisons encore ensemble le trajet du chemin de fer du Nord devers Paris, nous nous arrêterons ici pour dessiner un brin. Il y a une cathédrale merveilleuse, des maisons de bois, des vieux arbres, des niches à chanoines, des armoires à béguines du dix-huitième siècle, & un bout d’hotel de ville qui vaut le voyage. Ajoute une fontaine du temps avec une dame qui tient le portrait d’un Monsieur sur son téton pour compléter l’ensemble.

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Rien de nouveau à Paris, les racailles de Versailles poudroient et verdoient sous le soleil dont le nez marque 35 degrés ! – l’asphalte est une purée & Gouzien mange de la glace avec les petits pois à l’ombre. La Vie Moderne parait en octobre puisque le malendrin, – le routier de Cissey s’oppose à son apparition & en attendant je travaille à l’Album de Guerre que nous publions pour faire un peu de réclame à mon nom, oublié des générations actuelles et légères !

J’ai parlé à ta mère, chez laquelle nous avons été dîner, – et en particulier, naturellement, – j’ai pincé un moment – pendant l’absence de ton frère. – Ta mère n’aime pas à quitter Parismaintenant, – elle ne dit pas qu’elle ne veut pas retourner en Belgique, mais quand elle sera persuadée que tu ne veux plus habiter Paris. – Je te raconterai du reste cette conversation en détail. Ta mère me paraît bien disposée à ton égard. Si j’étais de toi, je reviendrais me loger à portée de Bruxelles (puisque tu as besoin de la campagne,) de façon à être sur les lieux pour trouver une place dans la presse belge & à l’Indépendance si tu peux, – ce à quoi tu arriveras indubitablement. Ta mère m’a dit que tu pouvais te choisir une pension où tu voudrais en Belgique puisque tu voulais y rester, & qu’elle te donnerais des fonds pour cela, jusqu’a ce que tu sois bien guéri & qu’alors si elle voyait que ta résolution de te fixer en notre belle

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patrie était solide, elle prendrait elle, une résolution définitive & que si tu désirais qu’elle allât rester avec toi, elle pourrait probablement le faire alors. –

Tout cela me paraît assez bien & en attendant c’est un pis aller fort supportable. Quand tu seras guéri tu prendras une résolution de bronze. Écris-moi vite à Thozée & surtout reviens nous vite.

Ma femme t’écrira de Thozée.

Moi je rentre & je me mets à piocher.

Je compte aller à GandBruges & Blankenbergh vers le fin 15 d’Aout. – deux ou trois jours seulement