Numéro d'édition: 2319
Lettre de Félicien Rops à [Edmond Picard]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Edmond Picard
1836/01/01 - 1924/01/01
Lieu de rédaction
Corbeil, Demi-Lune
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
ML/00631/0056
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Archives et Musée de la Littérature
Page 1 Recto : 1
La Demi-Lune – Moulin Galant
(Seine & Oise)
Juin 1892
Mon Cher Picard,
Un de mes amis, le frère d’Octave Uzanne qui me vient de Paris, me dit avoir lu dans un journal qu’il vous était arrivé un accident assez grave. Je vous prie instamment de me faire tenir de vos nouvelles par un de vos fils, ou par un de nos amis, si vous ne pouviez me les donner vous même. Je vous aime bien Mon Cher Picard, et plus que je ne le croyais peut être moi-même, quoique je n’aie jamais reçu de vous que des marques d’intérêt dont je vous garde une grande reconnaissance ; mais en apprenant que vous aviez été sérieusement blessé, j’en ai éprouvé une peine qui m’a éclairé sur la profondeur de mon affection pour vous. J’espère que le récit qu’on m’a fait est exagéré, & que cette lettre vous trouvera en bonne voie de guérison. Nous sommes bêtes, et singulièrement, Mon Cher Picard, les hommes qui se sentent réellement sympathiques les uns aux autres, et en belle Communion d’idées, devraient vivre en un Port-Royal quelconque ; vivre de peu ! et passer cette si rapide vie, à disserter sous les beaux ombrages, avec des gestes simples et peu nombreux, en goûtant tout le charme rare d’échanger de nobles cérébralités. – Excusez moi, si je vous ai pas écrit plus tôt. Je vis ici dans un petit Paraclet, – sans avoir cependant les raisons d’Abeilard !, – duquel
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je ne suis pas sorti depuis plusieurs mois. Je ne suis qu’un ermite, cultivant mes roses & arrosant mes géraniums, sans penser à mal.
– J’ai été très malade & en grand danger de perdre la vue. Comme peintre, ce sont des plaisanteries du sort qu’il est difficile de supporter avec philosophie, ainsi qu’il faudrait, et je me remets seulement de mes démoralisations.
– Je ne reçois pas les journaux qui jacassent comme les geais d’Aristophane, & empêchent d’entendre la bonne voix maternelle de la Nature, qui vous parle bas & doucement, mais bien mieux que Jules Simon ou que Hugues le Roux lui-même !
À vous, et à bientôt Mon Cher Picard, & à bientôt un bout de vos nouvelles n’est ce pas ? Présentez mes meilleurs & bien affectueux Compliments je vous prie à Madame Picard & serrez pour moi la main de vos fils & de nos amis.
Votre vieil ami à travers les âges :
Félicien Rops
À la Demi-Lune,
Moulin Galant.
Essonnes – (Seine & Oise)
Détails
Support
1 feuillets, 2 pages, Lisse, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
AML