Numéro d'édition: 2288
Lettre de Félicien Rops à [Edmond Picard]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Edmond Picard
1836/01/01 - 1924/01/01
Lieu de rédaction
Paris
Date
1879/11/02
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
ML/00631/0022
Collationnage
Autographe
Date de fin
1879/11/02
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Archives et Musée de la Littérature
Page 1 Recto : 1
Paris 2 nov. 79
Mon Cher Ami
Tous ces retards dont je m’afflige & dont je me vexe plus que vous sont dûs au désir que j’ai de ne point vous donner une œuvre bête. Puis il m’est tombé des oncles antidiluviens – des gens qui veulent qu’on leur fasse boire leur café à la Rotonde au Palais Royal comme en 1823, & demandent si le Théatre de Madame réunit toujours « les fashionables » de la Capitale ! J’ai vu le moment où ils me priaient de déterrer l’aimable Paméla « une piquante brunette » & où ils voulaient présenter leurs salutations à Mr de Jouy « l’hermite de la Chaussée d’Antin ». Tout cela prend du temps. – Je leur ai fait lire l’Assommoir & trois feuilletons de Nana pour leur faire juger de l’étiage qu’avait atteint le niveau des mœurs, et ils sont repartis désespérés pour la province de Namur. Il m’a fallu « trimballer » dirait Zola, ces âmes candides & adorables, & cela m’a pris du temps lorsque je n’en avais plus sur moi. Me voici de nouveau devant ce cuivre, effroi de mes nuits & il faudra bien qu’il en sorte quelque chose ! & plus vite que cela.
Encore dix jours de grâce.
Je réunis précieusement une centaine d’états de planches rares pour la Collection Olin & de dessins s’y rapportant. Cette collection est mon souci. Je voudrais la faire très belle
Page 1 Verso : 3
Ce sera la seule qui se trouvera en Belgique, car évidemment Bonvoisin brocantera la sienne. Il en a vendu m’a-t on dit une partie, et fort cher, à Mr Fréderic Hankey l’anglais bibliophile, qui me collectionne aussi. Je vous soignerai ce nouvel envoi qui est intéressant parceque j’ai réuni beaucoup de dessins-études qui ont servi à faire les eaux fortes ce qui leur donne pour les amateurs une plus grande valeur. Je n’en fais pas du tout, d’ailleurs, une affaire d’argent, de ces collections mais une question de réputation plutôt, & surtout. Comme je n’ai pas toujours le temps de suivre dans les ventes mes eaux fortes ou mes dessins inscrits dans les catalogues, je suis forcé de charger de cette besogne un vieil amateur brocanteur que je dois désintéresser de ses peines naturellement. J’ai retrouvé des pièces curieuses à la salle Drouot. Mr Olin peut être certain que je ne ferai pas de cela, comme je viens de vous le dire, « une affaire » & que le prix que je lui demanderai de ces collections, sera à peu près le prix que cela me coûte à moi.
Je crois que nous pourrons très bien nous arranger pour le manuscrit des « Ropsodies » cela sera d’autant plus facile que je suis forcé de faire, ce manuscrit très soigneusement, parce qu’il est photographié, pour que les dessins soient reproduits par le procédé Gillot. Je ne pourrais pas fixer de prix pour le moment. Cela dépendra des dessins qui vont y entrer. Vous verrez, il y a je crois des choses curieuses & écrites et dessinées nerveusement, sous le coup de feu de la première impression. – Je ne parle pas seulement de la Hongrie, il y a des lettres écrites dans des coins de Paris & dans des coins de la banlieue qui ne manquent pas d’intérêt. Dans tous les cas, je tiens bonne note de votre aimable proposition. Plus j’aurai de « machines » en Belgique plus je serai satisfait.
Présentez je vous prie Mon Cher ami, mes compliments respectueux à Mme Picard & gardez pour vous mon affectueuse poignée de main.
À bientôt je vous le promets.
Félicien Rops
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Vergé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
AML
Commentaire de collaboration
Le procédé Gillot tire son nom de l'inventeur d'un procédé de photogravure moderne, appelé aussi procédé panéiconographique ; Firmin Gillot. Grâce au procédé de Gillot, le dessin est reporté à l'encre grasse sur une plaque de zinc, puis protégé d'une morsure à l'acide de la plaque, ce qui le laisse en relief pour prendre l'encre de la presse typographique. Ce procédé a l'avantage sur la gravure sur bois de bout, d'éviter la technicité de la gravure, sa lenteur et son coût. Il intéresse tous ceux qui veulent mêler, dans une même page, texte et image, pour un prix modique.