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Hyères. (Var) 17 Déc 1896
Mon Cher fils
– Je suis bloqué par le mistral,
C’est pour moi un supplice de voir à travers mes fenêtres, le soleil éclairer joyeusement de charmants paysages, sans pouvoir m’y promener mais je me sens trop frais recollé pour risquer les bourrasques. Je me traite en objet précieux et n’ose bouger de mon étagère qui est d’ailleurs une vitrine à cinq fenêtres en plein midi avec au dessus et au dessous de moi des eucaliptus et des orangers qui me font un délicieux paravent. – Il fait ici, un temps d’avril, avec lune rousse, si belle qu’on lui pardonne d’être rousse. Je me sens revivre et je profite de cet arrêt forcé pour faire quelques croquis en retard depuis une quinzaine d’années. C’était sur / un / volume de Baudelaire que je devais les faire, et je les fais sur le « Tombeau de Baudelaire » c’est pour un Juif qui je l’espère n’aura rien perdu pour attendre. » Voici un mois que je n’ai pas fait un trait et j’ai toujours une émotion pour m’y remettre. Comment vont vos affaires ? Écris-moi souvent. – Tes lettres me font toujours de grandes joies. Dis moi ce que tu fais, rien de ce qui te touche ne m’est indifférent. Tu recevras avant la fin de l’année une autre lettre avec un tas de recommandations dont l’a-propos sera évident.
Je t’embrasse Cher fils aimé, je t’embrasse à grands bras de tout cœur, à après demain cher fils aimé, je t’envoie des fleurs que tu recevras le jour de Noël.
Ton vieux père qui t’aime
Félicien Rops
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le 18 4. heures
Au moment de mettre ma lettre à la poste je reçois la tienne. Pas le temps d’y répondre je manquerais le courrier. J’y répondrai dans quelques jours.
Je t’embrasse encore
F.R