Numéro d'édition: 3111
Lettre de Félicien Rops à [Maurice Bonvoisin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23

Destinataire
Maurice Bonvoisin
1849/05/26 - 1912/03/27
Lieu de rédaction
[Paris]
Date
1878/04/24
Commentaire de datation
Datation sur base de l'apostille.Type de document
Lettre
N° d'inventaire
Bon/LE/53
Collationnage
Scan
Date de fin
1878/04/24
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops
Apostille
1878/04/24
Page 1 Recto : 1
3e
Encore moi !
Encore un mot oublié Mon Cher Maurice ! Tu comprends que une des clauses de notre « petit marché » clause d’ailleurs
– Un monsieur & une dame
– Le printemps sort de terre…
– « Le Bassoniste – Sire de Lumay (très joli)
– « La folle Marie Josèphe
– « Juif & Chrétien
– « L’Affuteur &c &c &c
Tous dessins que j’avais en portefeuille & qu’avec un rien j’aurais aquarellé & repastellé ; – ne voulant pas t’en envoyer d’autres que je destine à la gravure & qui étaint à peu près finis, j’ai été un peu gêné dans mes entournures,
– Prenons un dessin au hasard par exemple Un Monsieur & une Dame, fort beau dessin en noir vaut toutes les aquarello-pastels que je peux te faire, car je ne te ferai jamais des choses importantes pour 300 frs « prix forts ». – De même du Bassoniste qui a 25 sur 17c. Tout ce que je peux te faire ne sera pas meilleur. J’ai bien des
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choses en portefeuille ! Et j’ai beaucoup de portefeuilles !! Mais par un bon système qui m’a été enseigné par le bon père Madou, qui a été mon meilleur conseil en art, je ne montre jamais que des choses arrivées à leur effet, – finies : – finies, comme ébauches s’il si elles doivent rester ébauches, esquisses si elles doivent rester esquisses & « finies » si elles doivent être « finies ». Et je montre le moins possible. Tu as dû remarquer qu’on ne voit jamais rien de moi, chez moi. Et il y a beaucoup de choses & autant à Thozée. – On évite ainsi les bavardages inutiles & les appréciations anticipées.
Puisque tu dois avoir « fini » ma collection d’eaux fortes, réexpédie la moi, j’en aurai besoin pour comparer certains états que j’ai ici avec les miens, & vendre ou échanger ceux que j’ai en double. – Je t’aiderai beaucoup à Bruxelles & dès que j’irai à Thozée à compléter ta collection, en lithographies surtout, il doit t’en manquer beaucoup. Nous pourrons peut être nous arranger pour un lot de lithographies, & de « croquis » originaux & inédits & je te céderais un lot de huit ou dix jolis croquis pour ces dessins. J’ai énormément de croquis, beaucoup à l’aquarelle sur plume & sur crayon noir fixé, parce que j’ai beaucoup travaillé dans ma vie, sans en avoir l’air, & plus que bien des bonshommes « pinxit Roma » ; – mais je n’en ai pas fait montre & j’ai travaillé avec bonne grâce, une bonne grâce un peu légère & insouciante. Au fond quand je me retourne sur ma vie, je vois que je n’ai eu qu’une idée & qu’un souci : faire de l’Art. Mais sans pédanterie & avec de gentilles façons ; – ne m’occupant qu’accidentellement de ce qu’il peut rapporter & ici accidentellement veut dire : « par accident » dans le sens propre du mot. On ne fait pas les deux d’ailleurs. On n’est pas un excellent négociant & un bon peintre. Tous ceux qui l’ont essayé ont été dominés par le premier de ces penchants, & l’on en arrive comme Vibert à ne plus faire que des bonshommes en papier peint parce que cela se vend fort après avoir fait le Barbier espagnol qui ne se vendait que peu. – La peinture doit nourrir son homme simplement. Si elle fait plus elle le tue. Je crois que Stevens doit à sa position éternellement gênée le coté encore vert de son talent. Malheur aux Rassasiés dit Jésus sur la montagne, rien n’est plus vrai. Si j’avais eu plus d’argent je n’arriverais à rien, – je parle comme résultat d’art.
J’ai vu Rousseau ici. Il trouve le St Antoine un dessin « de musée » J’ai été très heureux de l’entendre parler ainsi. L’Exposition Belge est bien. Après la France, elle emporte tout. Voilà de bien « fort bavardages » mais je vais toujours jusqu’au bout de mon rouleau.
À toi
Fély
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Je reçois un mot de Godebski qui me force à ne pas retourner à Marlotte avant vendredi soir. Si tu me réponds tout de suite pour savoir s’il faut fixer on ne pas fixer tes dessins – je le recevrai encore avant mon départ – Il fait délicieux la bàs y as-tu été ? – C’est un endroit spécial parce qu’on y a le Loing une jolie rivière à deux pas ; – Le Long rocher la Mare aux Fées, La Gorge aux Loups les plus jolis endroits de la Forêt à votre porte & une délicieuse auberge à 5 frs par jour vin & asperges à discrétion. Gens aimables ; peintres sociables, filles jolies en chapeaux de paille à fleurs hasardées & un joli pays en avance comme température de quinze jours sur Paris & d’un bon mois sur la Belgique. J’ai cueilli hier l’Anémone Pulsatille & l’orchis pourpre qui fleurissent en Belgique fin mai. Cela tient au sol qui est plus chaud encore que celui de Paris d’où le fameux chasselas. Je crois que je planterai un jour une tente définitive à Pont de Valvins sur la Seine près de la foret à deux lieues d’ici. Tout ! Le canot & la foret. Et le bon sourire des Gâtinaises. –
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
Photographie Vincent Everarts