Lettre de Félicien Rops

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Je suis certain que tu es à Bruxelles & que « l’émeute » t’aura fait revenir ! Si les Belges pouvaient ficher une bonne révolution, ils regagneraient l’estime des gens civilisés, mais je les connais : quelques torgnoles & voilà tout.

Je t’écris l’âme navrée mais sans tortillements : Il faut que je reste ici jusqu’au 15 octobre ! – après le terme ! – Il me tombe sur les reins un travail que j’avais espéré pouvoir remettre au mois de Novembre. L’Éditeur Monnier refuse d’attendre. Donc j’ai un mois de bûchage sans bouger. J’en serai quitte pour faire « l’été de la St Martin ». – Je partirai le 15 octobre pour Bruxelles, si le Diable me favorise j’aurai encore quelques beaux jours – à Ostende, – de froid vif – & de grosses mers, la Saison ne finit disent

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les affiches – que le 1er Novembre !!

On doit y vivre pour rien ! Et comme c’est pour ma santé que j’irai je me fiche du reste ! N’importe cela m’embête fort : je n’ai eu qu’une quinzaine de bains de mer en tout cette année, & ce n’est pas mon compte ! – Enfin c’est la dernière année que cela se passe comme cela, heureusement. Il est vrai, que j’ai vaché horriblement sur la Seine pendant un mois ½, j’avais un canot à Juvisy, mis à ma disposition par un graveur, parti pour l’Italie, & j’ai un peu pris mes vacances trop tôt. – Si j’avais trouvé à Juvisy ou à Draveil une maison de campagne, j’aurais loué là. Cela ne vaut pas Corbeil mais la proximité de l’endroit, les trois lignes Lyon, Orléans & Grande Ceinture ; Cette Seine qui rappelle l’Escaut avec des paysages presqu’Hollandais, comme elle rappelle la Meuse à Corbeil tout cela ne manque pas d’attrait. Puis la grande forêt de Sénart dans le fond ! Et quelle bassin pour la voile ! – Si je ne parvenais pas à décrocher les zoophytes de la Roche-Claire, je choisirais Draveil Juvisy ou Soisy. – Il y a encore un endroit aimable c’est Valenton village peu comme, sur une côte au Nord de Villeneuve St Georges.

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Donc, voilà encore un « coup du sort ». Je boutonnais déja mes jambières & il faut que j’attende un mois avant de les reboutonner ! –

Enfin, quand tu seras ici, si tu ne veux pas aller aussi loin que Corbeil, car là c’est un voyage en province, mais cela a son charme, j’ai assez roulé dans les vrais environs de Paris, pour, à mon tour te servir de Guide dans un tournant de 80 lieues !

Sacré faux-départ, je me faisais une joie de pédestrianer dans les Sables blancs avec toi & nos fillettes, pour leur apprendre à vivre, & il suffit de la volonté d’un mufle d’éditeur impotent & grognon pour me coller au bloc !

Ce n’est pas que Paris soit déplaisant, il est même charmant ce cochon là avec ses Tuileries rougies avant l’heure & ces merveilleuses nébuloseries lumineuses dont il a le secret, puis le gaz de la rentrée, les théatres & les femmes reposées qui s’ouvrent ; mais j’ai besoin de mer ! quinze bains en Normandie ce n’est pas mon saoul, & dussé-je me ficher à l’eau en Décembre, j’en aurai le corps net !

Si on me nommait Roi des Belges ? Tu lirais ceci au Moniteur :

Art 1 – Tous les belges étant nigauds devant la Loi sont proscrits du territoire.

Art 2 – Ce territoire, excepté

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les Ardennes Belges & la province de Namur réservées à la couronne est vendu à Mr de Rodschild.

Art III Mon ministre intime Mr Léon Dommartin & mon généralissime des faiblesses de terre & de mer Mr Carlier sont chargés de l’exécution du présent arrêté.

Et nous vivrions là en paix avec quelques parisiennes exilées, gardant une neutralité absolue.

Voilà ! Mais les Belges ne voudront pas ! Ils aimeront mieux :