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Monsieur Léon Dommartin47 Rue d’OrléansBruxellesBelgique Page 1 Verso : 2
Biskra 3 janv. 1889
Mon Vieil
me voici aux portes du vrai Sahara. Biskra en est déja, mais le vrai ne commence qu’a vingt ou trente kilomêtres d’ici, quoique ce Sahara-ci soit déja très présentable pour un Parisien. Ici : plus de voitures, de mulet, – plus d’auberges : le Bordj ou le Caravansérail, plus de routes : la piste. Voilà le programme : Je pars cette nuit à trois heures du matin avec un guide. Notre première étape est le Bordj-Saada, puis l’oasis de Chegga, sur les bords du grand Chott-Melrir.
Nous avons dû faire un tour énorme. Impossible de gagner Touggourth, but du voyage, par Laghouat : les torrents debordés. Nous avons dû prendre par Alger, Constantine, Alcantara, Biskra « la porte du Désert ». D’ici à Touggourth 248 kilomêtres à chameau ou à mulet. J’ai pris le mulet pour ma part. Il y en a six ici déja dans la Cour de l’hôtel avec les bagages plus deux chameaux pour le guide, & Ottinguer. L’un d’eux est un Méhari, un chameau de course. Tout cela avec les sloughis, fait un ensemble d’une certaine couleur dans la nuit bleue.
À toi & je t’enverrai un mot de Tuggourth. Bonne année à toi & aux tiens. Je te le resouhaiterai de labàs si nous arrivons.
Fély
Commentaire de collaboration
Un bordj est le nom donné à une citadelle militaire ottomane au temps des régences d'Alger. Le mot est le résultat de l’adaptation en araméen du mot latin burgus, château. On peut considérer le mot caravansérail comme un synonyme même si ce dernier désigne plutôt une halte pour les caravanes de marchands plus qu’un bâtiment militaire.