Numéro d'édition: 2656
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
s.l.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6655/468/73
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Apostille
Personnelle
Page 1 Recto : 1
Mon Cher Léon,
Je t’aurais écrit plus tôt mais, – continuant ma chance aimable, – j’ai eu comme l’avait prévenu le docteur Filliot dont je t’avais montré l’ordonnance une attaque très violente de goutte qui m’a fait rester cinq jours pleins au lit dans une chambre très gaie de l’hotel de Francfort rue Jacob, – je suis du reste presqu’heureux de ce résultat, car depuis huit jours je te dirai que j’étais inquiet, mon pied avait gonflé, puis à tous les doigts du pied malade s’étaient produites des crevasses sanguinolentes qui me faisaient souffrir beaucoup, et m’empêchaient de mettre mon soulier. Le docteur, d’ailleurs comme le docteur de Chrypthogame ni comprenait rien. – Voilà quant à la santé. Je suis debout aujourdhui et à part la fièvre qui s’obstine à ne pas me quitter je peux marcher & je suis à peu près bien. – Cependant, j’avoue que l’idée que je serai sujet à cette atroce infirmité, qui est « réellement atroce » ne me donne pas sujet de rire – plus que le reste, d’ailleurs !
J’ai réfléchi, quant aux meubles, j’aime mieux, et il vaut mieux que je ne demande plus rien à ma
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affaire finie, ne parle plus du tout d’affaires d’intérêt avec elle à mon endroit. Ses intérêts sont maintenant sauvegardés. Elle a eu de grands ennuis d’argent à cause de moi & de notre position respective, elle a eu de grandes peines que je comprends, et dont je regrette bien d’être l’auteur, involontaire, mais non moins responsable. Tout cela est de ma faute, mais c’est aussi & surtout la faute du milieu dans lequel j’ai été forcé de vivre, Mon Cher Ami, ne pouvant travailler aux choses qui étaient « de mon talent » puisque je ne trouvais ni modèles ni placement, j’ai eu le tort grave de me laisser aller au désœuvrement de l’ennui et ce désœuvrement mène à tous les idiotismes & à toutes les sottises. Si j’avais eu il y a quinze ans le courage de passer pardessus tout & de venir m’établir ici j’étais sauvé. Mais il fallait pour faire cela une grande énergie et je n’en ai jamais eu. Puis vivre, seul quand j’avais une femme un fils et un intérieur, ce sont des choses que l’on ne fait pas et que l’on ne sait pas faire, quelque soient les légèretés de la tête, tous les côtés vrais du cœur restent intacts et on souffre d’être séparé des siens. Rappelle-toi les lettres d’Artan lorsqu’il se trouvait plongé dans la solitude parisienne. Toi tu as toujours eu ta mère & on ne sait ce que c’est, que lorsqu’on l’a perdue. – Tu verras cela.
Tu sais que je ne suis pas « geigneur » de ma nature mais je viens de traverser quelques jours dont je me souviendrai rudement.
Tu me dis que je serais « mieux à Anseremme » que de ne rien faire ici, je le sais pardieu bien & je voudrais y être à Anseremme ! Mais on ne vit pas à Anseremme sans 175 frs par mois et je ne les gagnerais pas là bas. Je vais tâcher de mener un tableau à bien, si je le peux je tâcherai d’arriver pour l’Exposition de Bruxelles. Mais tout cela m’a fait perdre bien du temps. – Et puis je ne suis pas en fonds pour commencer une chose importante et le peu d’argent dont je pourrai disposer s’en ira en choses aussi ennuyeuses que celles-ci :
Trois fois par semaine Bains d’Enghien puisque je ne peux aller à Aix la Chapelle
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– Trois fois par semaine bains d’exhalaison de Pin Mugho, rue Taranne.
– C’est une affaire de vingt cinq francs par semaine ce petit traitement, Mon Cher Vieux, & si je ne le fais pas je serai menacé d’une nouvelle attaque de goutte qui peut durer un mois et je préfère danser sur ma tête, ce dont je n’ai guère envie cependant, que de passer encore, seul ici, les quelques jours que je viens de passer.
Merci de tes cent francs, ils me sont venus à point je te les rembourserai à ton retour ici, Herman me doit justement cent francs.
Tâche de venir cette semaine àParis. Le salon ne fermera que le dix juin du dix au quinze mais il fera de plus en plus chaud & Paris devient déja intolérable et l’Exposition impossible même à 10 heures du matin, heure de son ouverture quotidienne. Si tu pouvais venir Lundi ou Mardi voir même Dimanche prochain, je crois que tu ferais chose sage, ou il ne faut pas venir du tout.
Fais moi un plaisir : apporte moi les Nos parus de la Chronique depuis un mois.
– Dis moi le jour de ton arrivée, écris à Edmond, – cela me fera grand plaisir de te voir – Gouzien existe bien peu pour moi, & je ne vois personne autre que lui.
Réponds moi tout de suite, donne moi des nouvelles de ma
Donne moi vite des nouvelles de la maison, & même du chien – qui est je crois l’être que je dérangerais
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le moins en rentrant chez moi.
Encore une fois pas un mot, ni de ma goutte ni de maladie ni de rien à ma
À toi Cher Vieux & à bientôt.
Je t’embrasse
Ton Vieux
Fély
Donne moi tout de suite des nouvelles de la maison.
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Quadrillé (quadrlllage carré), Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Sépia.
Copyright
KBR