Lettre de Félicien Rops à [Adèle Picard-Olin]

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Chère Madame & Amie,

Permettez au plus humble & au plus fidèle de vos admirateurs… (je trouve ce début un peu « Père Fétis »* Fétis musicien francais dénaturalisé Belge, d’où est venu l’adjectif Fétide (Note de P. Larousse.), mais c’est de mon temps !) – Donc Chère Madame & Amie permettez au plus fidèle de vos admirateurs de vous présenter un de mes vieux & bons amis, Mr Cyprien Godebski, bon sculpteur en sus, & gai comme s’il n’avait jamais fait que cela. Je vous préviens qu’il déposera à vos pieds un tas de madrigaux très bons pour le rhume. Il a tout cela dans une bonbonnière ; quand vous le verrez farfouiller dans sa poche

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droite, dites : Je la connais, Rops me l’a déja faite. Il rengaînera ses petits fours, & tout sera dit : vous n’aurez pas à rougir. Il parlera d’autre chose : Art, littérature, hygiène, plantations du bois de la Cambre ! Il aime tellement les dames que le général Boulanger n’a pas pu s’empêcher de lui en amener une de Paris, en quittant sa capitale. – Voilà, je me mets à vos genoux malgré mes nombreuses gouttes, pour vous supplier de laisser tomber quelques rayons de votre grâce sur la tête du récipiendaire Cyprien Godebski.

J’aurais dû, – pour être correct, prier d’abord notre ami Picard de vous présenter mon ami, mais je préfère vous prier de le présenter vous même à Edmond Picard ! Que voulez vous ? c’est inconvenant ! – je le sais bien parce que j’ai reçu une excellente éducation ; mais je suis venu au monde à sept mois, & j’ai eu une nourrice qui s’ivrognait ! Son lait c’était du mêlé-cassis, & on m’a sevré avec du Trois-Six ! – Cela excuse tout !!!

J’oubliais de vous dire que Cyprien Godebski va habiter Bruxelles. Faut-il qu’il en ait de la perversité ! – Je ne serais pas étonné qu’il vous demandât de faire votre buste. Comme il en fait de charmants, laissez le faire & ne bougez pas trop ! – Quand je me trouverai en tête à tête avec ce buste là, à l’Exposition, je lui tiendrai tous les discours que mon infini respect m’a toujours empêché de vous tenir. Ah ! cela le fera « rosir » le buste, & pour quelques minutes il aura la fraîcheur du modèle. J’ai fait un vers là dessus :

« Arbore la fraîcheur des roses ! »

Si Englebienne l’avait su il m’eût fait condamner à mille ans de réclusion, – & il eut eû raison !

Je me remets à vos pieds pour vous remercier d’avance du bon accueil que vous ferez à mon ami, – ne dites pas non, je connais votre cœur ! & vous prier, lorsque vous viendrez à Paris, de ne pas oublier le N° 1 de la rue Boieldieu (l’immortel auteur &c) c’est au 5e mais il y a un encenseur dans la maison.

& Excusez les folies de votre ami

Chère Madame & Amie

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