Lettre de Félicien Rops à [Edmond Picard]

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Je vous écris ce petit mot en toute hâte. J’ai fait il y a fort peu de temps, pour un de mes amis qui vient de mourir – malheureusement pour les arts & la littérature, – deux grands dessins. Le premier est l’Enterrement au Pays Wallon. – C’est le même sujet que la lithographie, mais revu & Corrigé. C’est d’ailleurs le seul dessin qui existe de ce sujet. la lithographie ayant été faite, sur pierre, directement, & non d’après un dessin. – C’est une œuvre qui n’est pas triste & qui peint simplement la banale indifférence du prêtre vis à vis de la mort. Si vous ne connaissez pas la lithographie, Taelemans vous en fera voir une épreuve qui vous donnera une idée très affaiblie du dessin. La Composition seule est restée la même. Le dessin est plus grand du double que la lithographie. J’écris à Taelemans à ce sujet. – Le second dessin représente : La Cartomancie : des filles d’une mauvaise vie évidente, sont occupées à « se faire les cartes » ; deux d’entre elles sont couchées sur le tapis, & attendent la carte qui doit leur

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annoncer l’arrivée d’un « homme de la campagne » ou d’un « monsieur qui a de la braise ». C’est décolleté, mais dans la donnée très acceptable de l’Attrapage. Aucune inconvenance & le mari peut en permettre la vue à sa jeune femme & même à sa fille qui n’y verra pas même du feu. Ce dessin se trouvait dans le salon de mon ami & les demoiselles qui sortaient du Sacré Cœur regardaient ce dessin sans rougeur. – Je crois que ces deux dessins sont de mes meilleurs. Ils ont été payés à prix d’ami intime : mille francs « pièce » comme disent les brocanteurs. La veuve de cet ami, qui se trouve brusquement dans une situation moins brillante qu’elle n’était avant la mort de son mari, consentirait à se défaire d’un de ces dessins. Vous avez bien voulu m’offrir de me servir d’intermédiaire entre les amateurs que vous connaissez & moi. Faites moi le plaisir je vous prie Mon Cher Monsieur Picard de leur demander si ces sujets leur plaisent. Je crois que je déciderai la veuve à se défaire des deux dessins, parce qu’il m’est très désagréable de savoir ces dessins enfouis & pour ainsi dire perdus au fond de l’Orléanais. Je vous ai dit, que autant que je le pourrais, je tâcherais que mes dessins puissent rester en Belgique, je serais heureux que ceux là y revinssent. L’Enterrement au Pays Wallon surtout qui est une œuvre spéciale & locale. Encore une fois, la lithographie ne peut en donner aucune idée. Ces deux dessins ont les dimensions de l’Attrapage. Seulement ils sont en longueur au lieu d’être en hauteur. – J’ai vu ici Jean Rousseau le directeur des Beaux-Arts qui m’a fait le plaisir de me faire visite pour me dire grand bien de la Tentation de St Antoine qu’il avait vue chez Bonnefoy. Sans ce terrible cochon il vous eut offert de la céder pour le Musée Moderne. Il ne trouvait pas le sujet trop léger ni anti religieux mais « le cochon » lui a éclaboussé l’œil ! Faudra-t il pour ne pas « préparer des tortures » à ceux qui nous suivront, que nous ôtions – l’intention – de cet intelligent animal, plus dans le vrai que son maître ? – Tout cela comme je le disais à Rousseau n’est que l’hypocrisie des époques très perverties qui se sent blessée & qui geint.