Numéro d'édition: 2144
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
s.l.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6714/38a
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
P.S.
Je tiens surtout à ce que nous ne reparlions plus de l’incident Bonvalot. Quand je te dis qu’Auré & elle, pensent que tu as eu peur – sachant que la jeune fille ne voulait pas – ce qui était une preuve de belle honnêteté, se dérober aux charges de sa famille charges momentanées, (et la preuve c’est que le jeune Bonvalot excellent sujet, a maintenant une bourse, & que les parents ont leur position sauve,) elles ne croient pas sottement que c’est seulement la peur de la misère apparente mais la peur d’assumer trop de responsabilités, responsabilités qui n’existaient pas réellement, mais qui paraissaient exister, dont tu as eu peur. Voilà tout. Car ce ne sont pas les lettres pleines de bon sens que la petite Marie t’a écrites qui ayent pu te donner motif à rupture, à moins d’être un sot. – Au fond il y a de tout cela, évidemment, mais il y a surtout ce qu’il y a eu toujours éternellement chez toi : ne pas savoir prendre une résolution et l’éternelle peur d’être moins bien que tu es, momentanément, peur qui se complique de la peur de faire le moindre effort peur de tout, de ta mère & des explications nécessaires, de ta fille aussi, peur de l’inconnu &c &c. C’est ce qui fait rester tant de gens de mérite dans les petites villes de province. Tu en as connu, moi aussi. – Or comme rien ne se fait tout seul & que le ciel ne vous aide, que si vous vous aidez vous même, il ne résulte rien de rien. – Et enfin – raison suprême aussi et malheureuse pour toi : tu n’es
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plus « amoureux » : la petite bête n’y est plus. Tu n’es plus amoureux des femmes que tu veux épouser. Les plus belles comme Mlle Popp, les gentilles comme Mlle Bonvalot te laissent froid comme un banc d’hospice. Tu as des érections bi-mensuelles que tu calmes pour Cent sous et en cela je te plains. C’est cette indifférence un peu vieillotte, arrivée avant l’âge qui est surtout regrettable ! Cela t’ôte le ressort pour accomplir les choses que tu désire. Tu aurais du surveiller cela & chatouiller la petite bête en léthargie. Car enfin tu n’es pas vieux absolument & tu n’es pas d’âge à te priver d’une femme dans ton intérieur. Si tu étais vieux je ne t’engagerais pas à venir à Paris faire ce que tu as à y faire !! Je te laisserais être tout simplement Jean d’Ardenne & membre de la Commission des Monuments, du Club-alpin & de la Société archéologique du Brabant Méridional.
Donc je ne désespère pas te voir être iciJean d’Ardenne ou plutôt Léon Dommartin. et à ta place je voudrais être, et cela absolument, Le Joanne de mon temps, marié et propriétaire en Gâtinais en deux ans d’ici. Mais « vouloir » ! Ah c’est là le chiendent comme dit mon jardinier !
Donc ne parlons plus de tout cela, & en octobre nous irons à la Roche-Claire J’en reviens encore : Quelles Masures !! des rats dans tous les coins et les beaux lézards verts de Fontainebleau a chaque pierre ! – dans un des puits un chat crevé le chat d’Edgar Poë garde dans un de ses yeux verts un reflet de jour étonnant ! – Curieux tout cela
et charmant malgré tout ! Nous en sommes aux expédients pour extraire le polype vigneron incrusté dans ces pierrailles !
À toi
Fély
Détails
Support
1 feuillets, 2 pages, Vergé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR