Numéro d'édition: 2078
Lettre de Félicien Rops à [Octave Mirbeau]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Octave Mirbeau
Lieu de rédaction
Paris
Date
1886/12/03
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
Mirb/9
Collationnage
Publication
Date de fin
1886/12/03
Lieu de conservation
Inconnu
Aucune image
Paris, 3 déc 1886
Mon cher ami,
me voici revenu depuis peu de jours seulement, et lorsque Le Calvaire m'est arrivé, « je mettais la main à la plume » – ainsi que j'écrivais à ma petite cousine, quand j'étais en Rhétorique, – pour vous dire le grand, le vrai plaisir, que je venais d'éprouver en lisant votre beau livre. Car vous comprenez bien, mon cher Mirbeau, que mon premier soin en arrivant à la frontière, et aussitôt les malles rebouclées, a été d'acheter Le ! Je l'ai lu d'une traite, au galop, puis je l'ai relu, et je l'ai encore repris le lendemain, lorsque je l'ai reçu de votre amabilité, avec cette belle dédicace, où il n'y a qu'un mot de juste : c'est que je suis un « bon ami ». Et je l'ai relu, avec fierté, ce Calvaire ! car je suis fier vraiment des œuvres de ceux que j'aime, comme si elles étaient miennes, j'étais parti avec le livre charmant de Paul Hervieu, et je revenais avec le vôtre, on voyagerait en moins bonne compagnie ! Les belles pages que celles du début
Et je me rappelle aussi, près de moi, des grandes filles vieillies et douces, pour lesquelles on éprouvait « le respect attendri, et le désir vague, la compassion, le besoin de se dévouer », comme vous l'exprimiez si bien
Et les scènes de guerre ! Toutes ces vérités si courageuses, et si difficiles à dire ! Et la mort du Prussien! un beau tableau, mais qui n'était possible à rendre que par le verbe écrit, tellement sont grandes l'impuissance et l'imbécillité de la Peinture ! Puis « le Calvaire ! » avec toutes les stations sanglantes de l'Éternel Humain ! Épopée qui a l'air d'avoir été écrite sur un pan de cette robe de Nessus, que nous avons tous portée collée à nos lombes ! Et enfin jusqu'à cette dernière page, où la Nature, la bonne Isis aux mamelles intaries, parle au fils égaré, de sa grande voix rédemptrice. C'est très beau, tout cela, mon cher Mirbeau, très beau, tout simplement, et je vous le répète, cela m'a rendu fier de me dire votre ami, et je vous serre la main de cœur
Félicien Rops
Mes grands compliments à Mme Alice.
Mais j'y songe, voilà que je signe ma lettre et je n'ai pas fini ! Je ne vous ai pas dit, mes amis, qu'il fallait m'excuser et ne pas m'en vouloir, si je ne vous ai pas écrit pendant de longs mois. – Je suis un rêvasseur errant qui n'éprouve jamais le besoin de dire où il est ; mais il ne faut pas imputer à mon cœur les défauts de mon esprit. J'avais de vos nouvelles, moi, par les journaux, et j'arrivais avec vous dans le Noirmoutier, tout en rose. J'ai été à Texel
Encore une fois, je vous félicite de l'œuvre faite et bien faite.
Bien vôtre
F.R.
Je vous renvoie le volume du Calvaire que j’avais acheté en revenant. On n’a jamais trop de ses livres, à soi, et l’on a toujours des amis à qui on a omis de l’envoyer. Un autre aura à le lire le même plaisir que moi, probablement.
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