Lettre de Félicien Rops à [Théodore Hannon]

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Je te réponds télégraphiquement !!!!!!!!

– Un frontispice doit être non pas une vignette dans lequel un artiste jette les lettres d’un titre & d’un nom ; comme on a coutume de le faire en ce bon dix neuvième siècle où l’on a beaucoup plus souci de faire mal & vite – et mal – que de faire juste & bien ; – mais un dessin condensant une œuvre littéraire dans « un fronton ». Tous les maîtres du genre : Romyn de Hooghe, Rubens, Lesueur, Abraham Bosse, Schoonebeek, Lebrun, Eisen &c l’avaient compris de cette façon & je ne le comprends que comme ils l’avaient compris. Ce qui fait qu’on s’en tire autrement d’habitude c’est que, – nous pouvons le dire entre nous, – les peintres ne lisent guère que le livret du Salon & l’article : récompenses & subsides » du Moniteur ; ce qui est insuffisant pour s’orner le cerveau – le persil ferait le même effet, & serait plus joli à l’oeil.

Allons cruel ! Je vais « t’expliquer » le frontispice de Musset c’est terrible de rabâcher ses dessins quand ils sont finis ! Le frontispice représente donc un un fronton de tournure moderne mais dont l’ornementation est dans le goût du seizième siècle, époque qu’a choisie Musset pour ses drames & pour beaucoup de ses comédies. Deux grandes figures ornent les pilastres de soutènement. Lorenzaccio D’un coté Lorenzaccio cache dans les plis de son manteau l’épée qui va tuer Alexandre de Médicis, de l’autre Beatrix Donato masquée drapée en grand costume vénitien, attend Pippo, le fils du Titien. – Le « tableau » c’est à dire le milieu du frontispice représente groupés les principaux personnages

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de l’œuvre, groupésau pied sous un grand piédestal que surmonte un Sphinx femelle étrange, – un petit génie ailé vient baiser le Sphinx sur la bouche. L’Idée énigmatique & non concluente de l’œuvre de Musset me parait heureusement formulée par cette figure **J’ai consulté ma modestie pour savoir si elle admettait cette phrase : elle l’admet ! Aux pieds du Sphinx : Fantasio avec sa guitare, Barberine Alfred de Musset lui-même avec Mme de Léry dans le Caprice personnifiant les Confessions d’un enfant du Siècle, se penche vers Mme de Léry du Caprice. Mimi Pinson Celio & Marianne, le capitaine Clavaroche Fortunio, & la marquise d’Amaïgui &c &c. Au dessous dans des rinceaux très ornementés des enfants figurent la Comédie & le Drame, la poésie sérieuse & la poésie légère. Sur l’entablement du Couronnement des amours ont chevauchent sur des Chimères ailées à la bouche de flamme, qui vont les emporter dans l’Infini.

Voilllllà ! comme disait MmePipelet. – À toi maintenant ! –

Cela va très bien l’eau forte mon Vieux Théo, cela y est ! – Continue ! « Le pignon de ma Tante » est un peu gris mais c’est l’impression exacte du tableau. Effet de neige, important déja, un peu de lourdeur encore, le ciel est un peu « barboté » mais l’effet général y est & y est bien.

À propos de Cadart : Je vais lui parler aujourdhui. Je t’enverrai la

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dimension du Cuivre que tu devras te procurer s’il accepte. – Je vais même tâcher de te faire payer ta planche !!!!! Cent francs. Envoie moi le croquis d’avance. Prends une chose assez importante. & laisse une place que je t’indiquerai sur le croquis pour y faire un personnage, que je te ferai. Prends une chose marquante il faut cela pour le quinze aout. Si je suis à Anseremme à cette époque nous la ferions mordre – cette planche – ensemble tu viendrais un jour la bàs.

Lis si tu peux – devine si tu l’oses je ne relis pas, j’ai eu trois minutes pour t’écrire. –

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