Numéro d'édition: 3485
Lettre de Félicien Rops à [Alphonse Victor Emile Rops]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Alphonse Victor Emile Rops
Lieu de rédaction
Paris, 17 Rue Drouot
Date
1883/12/25
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
FRN/5
Date de fin
1883/12/25
Lieu de conservation
New-York, Fondation Rops
Illustration
Lettre illustrée
Aucune image
Page 1 Recto : 1
Croquis
Paris le 25 Déc 1883
17 Rue Drouot
Au 1er Janv. 1884
19. Rue de Grammont Bd des Italiens
C’est ma nouvelle adresse.
Mon Cher Victor
Je n’étais pas à Paris lorsque ta lettre est arrivée rue Drouot. J’étais à Monaco, n’ayant souci que de manger des oranges & de fumer des cigarettes sous les oliviers du Mont Agel au pied duquel j’habite. Les mois de Novembre & de Décembre me donnent le spleen lorsque je reste dans le Nord & je pars avec les hirondelles. Tu comprends que, comme j’ai toujours très bien arrangé ma vie, je ne tiens pas à la déranger lorsque l’âge mûr arrive ! – J’ai làbas un center-boat avec lequel je vais pêcher des oursins jusqu’à vintimiglia, et j’emporte mon travail avec moi. « Omnia Vinum Porto ! » disait le sage Bias !
Ce serait avec plaisir que je ferais ce que tu me demandes, mais ce serait bien pour toi, car
Page 1 Verso : 2
Édouard est un assez piètre sire au point de vue de l’honneteté la plus rudimentaire. Je l’ai accueilli à Paris comme un frère cadet, & il a quitté Paris sans venir me serrer la main, & sans me payer ce qu’il me devait, comme les employés véreux qui sautent à la frontière. Ce que j’y ai gagné, c’est la perte d’une merveilleuse pendule brocantée par ce jeune industriel, probablement pour quelques sous, & qui ornait ma chambre à coucher.
Ces précédents posés, il faut avoir aussi peu de sens moral qu’il en possède pour songer à venir me demander un service.
‒ Je pourrais lui en rendre beaucoup, ‒ « dans sa patrie » comme disent les maçons ; car par de singuliers hasards, ce sont deux de mes amis qui dirigent les deux théatres d’opérette les plus fréquentés de Paris, & c’est Rochard
‒ Donc je suis « en position » de l’aider si cela me plaît. Mais pour le moment cela ne me plaît pas ! Il déteste les voyouteries & surtout les voyouteries malhonnêtes & il y a dans Édouard un fond de voyou, ‒ (pour ne pas dire pis,) – dont il se décrottera bien difficilement ! Et c’est cela qui l’empêchera toujours d’arriver dans la vie à un résultat sérieux, ce qu’il ne comprend pas !
‒ Donc pour toi j’aurais fait, & gratuitement ce que tu me demandais, Mon Cher Victor, mais je suis tenu jusqu’au 1er janvier 1886 par un contrat de fer. La Maison Lemerre me possède & sans partage. Elle me paie cher, mais enfin je lui suis « loué » c’est le mot. Je ne peux faire un croquis à son insu. C’est affaire de loyauté & de bonne foi. Lemerre a ma parole
‒ Les éditeurs ici aiment à s’attacher exclusivement certains dessinateurs pour être certains d’une collaboration régulière ; & pour que d’autres éditeurs ne les prennent pas. – C’est mon cas. Si tu viens à Paris viens me voir.
Je vous serre bien la main à tous.
Je t’autorise parfaitement à montrer ma lettre à Édouard. Je n’écris que ce que je pense.
À toi Mon Vieux & à bientôt j’espère
Félicien Rops
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