Lettre de Félicien Rops à [Octave Uzanne]

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Prépare ta belle indulgence Ami très cher & prends la sur l’heure au fond de notre vieille & jeune amitié. J’en ai besoin ! Tu m’as cru mort & qui pis est : oublieux, & je ne suis ni l’un ni l’autre ! Que je te remercie tout d’abord pour la gracieuseté que tu as apportée à l’affaire Decaux. J’accepte !! Tu peux avoir toute confiance. Je me suis remis au travail depuis hier seulement, mais j’y suis. Il va falloir t’expliquer des choses inexplicables telles que ces retards bêtes apportés aux réponses de tes aimables lettres. Tout cela venait de : – que de jour en jour je comptais aller la bàs, te rejoindre, sous les becs de gaz ! En sortant d’Anseremme & des aphorismes Solonesques de Picard, j’ai été pris par le spleen de Paris, le spleen des nez au vent, de la cretonne intime, des petites mules roses dont on baise le museau dans le flot des balayeuses endentellées !

– Et je me disais, pourquoi lui écrire ? je vais partir. – Puis je me suis échoué sur les grandes plages. Là j’ai retrouvé mon vieux vent du « Zud-West » qui me sifflait de si jolies chansons au heures de quart lorsque mes rêves se bornaient – se Bornéotaient, veux-je dire ! – à me voir « Meyn Heer Rops’ « cap’tain » du brick

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« Stadt Antwerpen » La ville d’Anvers, & qui couchait avec des Javanaises aux fesses d’or sur un lit de feuilles de maranta. (maranta Zabrina !!) – La voix du pilote Josse Berwaerts faisait s’envoler les belles fesses luisantes : « Jungman, faites votre estime ! » et je relevais le point ! Ce point inutile, puisque / tout le monde / depuis le mousse jusqu’à Berwaerts savait que le bateau-pilote n°3 marchait grand largue v.s.o.o. en vue de Braskens !!

Voilà les bons souvenirs qui reviennent en foule ! tous !! Voici aussi Mlle Stephany « Stephanesque » la petite Stephany du Roden Leeuwe du Lion Rouge, celle qui donnait au petit jungman de grands verres de Hasselt – si gentiment – avec de gros baisers autour du verre, en trempant sa petite langue rose dans les uns et dans les autres ! Puis les courses et les rendez vous du soir dans la grande dûne. Elle se piquait toujours les jambes aux chardons bleus & l’on embrassait la place !

Et comme elle se serrait contre moi parce qu’elle avait si peur des sandlopers – des coureurs des sables, les « banditos de la Flandre, – Coureurs de grèves, épaviers, ramasseurs de tourbe, contrebandiers & braconniers, – gens mauvais à rencontrer dans les dunes quand les phares commencent à briller, Monsieur !

Vrai ! Tout ce temps là a-t-il été « vécu » par moi ! – est-ce bien le même « meyn Heer Rops » qui grave à cette

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heure en la bonne ville de Paris ? Il y a eu dualité !

Tout cela repose bien d’Anseremme & de ses gueuleries. La mer a toujours son grand : Sursum Corda ! & le magistrat Berger – (première catégorie) – n’y dessinerait qu’une lourde silhouette bonne a faire s’esclaffer les crabes rieurs !

Je suis donc installé à Heist-sur mer à 45 frs de Paris pas davantage : Heist sur-mer, Flandre Occidentale. 300 habitants quarante chaloupe de pêche vingt cinq villas sur la digue & deux cents baigneurs & baigneuses : Allemands & Flamands. Quelques Français & quelques Wallons en surplus pour apporter la note gaie. – Écris moi ici. Dom arrive dans quelques minutes. Nous allons dîner & duner dans un petit village du pays de Cadzand où les filles portent déja le casque en tête comme les Amazones ! Demain je te continuerai ma lettre & je te parlerai de toutes sortes de choses qui nous intéressent, & de la petite fille aux argents sonnants dont nous avons parlé déjà.

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Je reste, pour ma fillette surtout, à laquelle il a fallu montrer une foule de choses dont on lui avait parlé dès sa nourrice & qui trottait en sa cervelle d’enfant : les grottes de Han, les rochers de la Meuse, Sainte Gudule, le ventre des Belges, Manneken-Pis, & la raie « toute en vie » en vraie vie !!