Lettre de Félicien Rops à [Octave Uzanne]

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Je reviens de Belgique, ‒ tout à fait incognito parti & revenu. J’ai pris la route de Rheims, j’ai été à Thozée & j’en suis revenu par le même chemin – tout cela en trois jours ½

‒ Figure-toi que je t’avais écrit Vendredi dernier pour te demander

1° de m’envoyer l’adresse d’Ashbée à Londres –

2° de m’obtenir une loge pour les 1000 & 1 nuits.

3° Pour te dire que depuis notre dernier dîner j’étais plein de fièvres très intermittentes qui tantôt me faisaient grelotter comme un peuplier tremble (populus tremulai) tantôt rougir comme un chêne de Louisiane (quercus rubra !). indie melancolioe.

‒ En arrivant hier au soir j’ai reçu ta lettre, j’ai bondi vers mon surtout (vestitus mambyensis !) & je retrouve poche restante la lettre que je t’avais écrite Vendredi.

Je vais au Café Cardinal, pas d’Uzanne Octave. J’étais trop

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fatigué & trop malade pour aller Godebskier.

Excuse-moi donc & « Pardonne à celui qui voulait t’accuser ! »

Tu constateras par cet alexandrin combien mes idées sont « borniées » dirait ce petit polisson de Théodore Hannon.

Reçu lettre de Dom qui demande que tu lui dises ton itinéraire, afin d’aller te rejoindre. Tu es bien heureux de partir, il faut toujours partir quand on le peut ! Mes amitiés au vieux Léon de St Marc – un véritable ami.

Je vais tâcher d’aller demain tout au matin, te serrer la main & te donner quelques renseignements sur la route à suivre de Venise à Fiume pour aller à Pesth c’est le vrai chemin. Tu passeras ainsi par le lac Balathon – une merveille !

- Ne te laisse pas tenter bourgeoisement par le Somering, la route par Vienne. La Somering n’est qu’un morceau de Suisse, l’éternelle montagne à effets d’opéra comique, la joie de l’épicier retiré qui fait son tour d’Europe.

- Je te donnerai une lettre pour un bon & aimable garçon qui parle très bien le français Annibal de Szeméré, journaliste & magnat hongrois à Pesth. N’oublie pas de t’arrêter à Vérone que l’on passe souvent. La ville de Scaliger doit avoir la visite du Directeur du Livre.

Défie-toi des conseils du bon Dom, il « adore les montagnes » & te conseillera la route du Somering. Tu verras Vienne en revenant de Pesth & tu remonteras le bleu Donau. Une fois arrivé à Presburg tu deviendras insolent : tu seras en pays allemand. Je te conseille fort d’aller à Szeged (de Pesth à Szeged) si tu y vas dis le moi je te donnerai une lettre pour une bien aimable famille dont la jolie fille parle le Français. En allant à Szeged tu traverserais la Püsta, le steppe de la Hongrie. –

Ne dis pas à Dom que je suis allé à Thozée sans l’en prévenir. Il ne comprendrait pas pourquoi je n’ai pas été à Bruxelles.

Le Somering Croquis ligne de montagnes

La Suisse Idem

La Souabe Idem

Les Alpes Idem

A toi bien

Retiens ceci

Il n’y a que deux « pays de montagnes » en Europe :

la Norwège parce que la montagne y baise la mer & le Montmartrois parce qu’on y baise tout.

N’oublie pas : Venise, de là Trieste par la mer, de Trieste à Fienne par mer. En bateau à vapeur un jour & une nuit, on voit la pointe de l’Istrie, on passe par Capo d’Istria, Pirano, Glorioso, Umago, des petits ports ravissants puis Rovigno, Fasala & Pola ! Une merveille aussi Pola !!!!!!

N’hésité pas et envoie au diable tous les montagnards de Somering. C’est un décor bon pour le chalet. Quand moi je traverse ses machines là j’entends toujours flonfloner le turlututu d’Adolphe Adam.

Quelle bonne bouffée de souvenirs ! puis Fiume quoiqu’italien est ville hongroise déjà ! –

Re A toi Cher Ami

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