Numéro d'édition: 3467
Lettre de Félicien Rops à [Octave Uzanne]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Octave Uzanne
1851/09/14 - 1931/10/31
Lieu de rédaction
s.l.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
CPEL/4
Lieu de conservation
Collection privée
Illustration
Lettre illustrée
Aucune image
Page 1 Recto : 1
Mercredi 12
Mon Vieil,
il ne m’est fort heureusement rien arrivé de ce que tu pensais, & le Péladan ne s’y serait pas frotté ! Il est de Lyon, pays de tisseurs, de ruseurs & de truqueurs & de « couleuristes ».
‒ Quant à moi lorsque je crois qu’un des rares avec lesquels j’ai fait échange de belle & noble amitié, comme les frères d’armes échangeaient leurs Couleurs, a commis vis à vis de moi faute de lèse amitié, je vais droit au léseur, & je lui dis ce que j’ai sur le cœur. S’il n’est fautif que de légèreté, je pardonne, sinon j’oublie, & l’ami n’existe plus pour moi.
‒ Je ne souffrirais pas d’ailleurs la moindre attaque à ton nom & j’ai pour le potin parisien un certain sourire de mépris « abortiveur » qui les fait sécher dans la gorge des Sots comme du frai de crapaud au soleil. – J’ai été simplement « embêté ». J’ai eu quelques déboires artistiques & je me suis cogné à quelques imbécilités qui m’ont fait des bleus. Je suis comme toi, un nervo-bilieux-sanguin qui se sent vite monter aux lèvres les rancœurs de la Vie & des Gens d’ici. Alors je
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je file sans crier Gare, ‒ par la première que je trouve. La Campagne me guérit & comme je te l’écrivais, les chatons vert pâle des Saules à Pâques-fleuries me versent l’Oubli. Que veux-tu ? Je ne suis pas fait pour vivre avec les Gens d’Esprit qui déballent leur camelote cérébrale dans le monde. À chaque fois que je pense à cela, un vieux refrain de matelots français que j’ai entendu à Dunkerque me danse dans la caboche :
‒ T’pourras un jour avoir des viagères
Et comme moi voir la Socillété
Mais pour tout ça n’oublie pas ma chère
Y faut avoir de l’Émabélité !
Y faut avoir de l’Émabilité !!
God ! lui a de l’émabélité ! et notre bonne amie a les viagères ! – Moi heureusement je n’ai rien. Enfin ! Heureusement aussi je suis de bon ressort & je ne désespère jamais. J’ai pris pour devise après celle de Ma grand mère maternelle : Aultre ne Veux estre ! celle-ci qui est mienne :
un vieil arbre
battu par le vent
les branches cassées
le cîme encore
verdoyante ou
chantent
les oiseaux
du ciel.
Croquis
Dum Spiro : spero !
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Hannon m’a fait une assez belle saleté, nous parlerons de cela. Mais qu’est ce que cela fait ! Ce n’est qu’un vague camarade.
À toi Mon Vieil & à demain.
Fély
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