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Heyst sur Mer
Dimanche 9 octobre 1881.
Mon Cher Prunier,
Votre lettre après avoir été courir après moi dans toute la Zélande Méridionale est revenue ici. J’étais parti pour faire une excursion de quelques jours en Zélande & cet imbécile de postmeester sans avoir reçu d’ordre, par pure fantaisie s’est mis à faire se promener mes lettres sous des latitudes variées.
Je travaille au frontispice de Decaux. Donc c’est bien entendu, je ne lui fais qu’un trait « savant » (!) relevé par quelques noirs. C’est assez difficile le trait « savant » relevé par quelques noirs ! – Enfin nous tacherons d’y arriver.
La composition est faite. Je la dessine dans des proportions un peu plus grandes que le modèle, il est entendu que c’est pour une gravure sur bois n’est ce pas ? –
J’ai beaucoup regretté mon bon Prunier de ne pas être à Paris pour la terminaison de votre gravure, quoique je n’aie pas eu « d’inquiétude ». Y aurait-il moyen d’en obtenir une épreuve ? Si cette épreuve doit être abîmée & si vous n’en avez qu’une à me donner, j’attendrai jusqu’au 15 pour la voir, car tout me fait croire que le
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15, je serai à Paris, cependant il fait délicieusement bon ici dans ce coin perdu de la mer du Nord, & les femmes croisées d’Espagnol & de Flamand y sont très belles – ce qui suffit pour que les hommes y restent.
N’était cette vertu qui me gêne !! J’ai pour hôtesse une Demoiselle Mîke Goetguebuer, ce qui veut dire petite Marie Bonne Voisine. (!!) Il n’y a que ce pays ci pour dire si gentiment les choses en langue férops
Je vous serre la main Mon Cher Prunier & je vous prie de présenter à Mme Prunaire les plus respectueux Compliments de
Félicien Rops