Numéro d'édition: 2695
Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Léon Dommartin
1839/09/11 - 1919/08/23
Lieu de rédaction
Paris
Date
1879/09/06
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6655/468/114
Collationnage
Autographe
Date de fin
1879/09/06
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Apostille
voyage en Hongrie Venise, Suisse
Page 1 Recto : 1
Paris 6 Sept. 1879.
Non, les Dieux ne l’ont pas voulu, je ne serai pas & je n’ai pas été le collabo de St Genest !! À la première lettre Magnard voyant que les hongrois ne toastaient pas assez en l’honneur du Figaro, les a envoyés se faire foutre, – en me gardant les appointements. J’ai fait les articles & les croquis et ils vont paraitre en plaquette :
Ropsodies Hongroises !
Tu m’en feras des extraits, il y a des pages faites « bien d’impression » sur les Tsiganes & leur musique qui ont épaté le musicien, inspecteur des beaux arts Armand Gouzien, lequel n’en avait jamais autant dit que l’Ânachroche Fély Rops ». – Nous avons traversé des villages où les enfants nus de quatre ans jouaient du violon et du cymbalum. – quels violons et quels cymbalums ! Voici l’itinéraire suivi : de Paris à Munich : – (les 4 saisons tu l’asv deviné.) ; de Munich à Vienne (gd Hotel) ; de Vienne à Pesth par bateau envoyé spécialement à notre rencontre. de Budapest (car il faut se débarasser de cette habitude de dire Pesth pour Budapesten un seul mot comme le disent les Hongrois) (Hotel de l’Europe, le plus chic, chambres : 40 frs par jour offertes par la Hongrie !) – de Budapest à Széged – que les Allemands appellent Szégedyn. – de Szeged remonté au lac Balaton – exactement le lac de Guarde à ce qu’il paraît. – Je file a cheval (en laissant Gouzien se reposer à Kulpin) avec le peintre Pallik, excursion dans le steppe hongrois – une merveille ! – la püsta ! retour à Kulpin, laissant Widdyn Ronschouck !! – Retour par la Baëska – la ligne
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de l’Alfold Bohu qui se poursuit jusqu’à Fiume, et que nous rerequittons pour passer à coté de Trieste et arrive à Venise par terre pour aller plus vite – Le Lendemain nous prenons un bateau à voiles & nous allons en mer voir la Venise, de loin, – nagé au Lido – Venise ne me donne pas la moindre désillusion ce qui est reellement extraordinaire ! – Vérone, bien, mais surfait, malgré le marché aux herbes & le Scaliger. Lecco, le lac de Côme arrivé à 7 heures à Colico de Colico à Chiavenna par diligence le soir – très beau voyage par une lune-soleil – à 5 heures du matin au haut du Splügen – montagne comme toutes les montagnes, – la Via Mala a vingt sœurs de Christiania à Bergen. – Coire, ZurichLucerne, petits lacs embêtants. – les quatre cantons plus intéressant, mais tout cela bien resserré et bien embêtant de couleur ! Et peuplé comme Asnières ! les suisses et les voleurs en plus, – des bourgeois idiots – « seuls avec des pics sous le regard de Dieu ! » dans vos jambes. Ce pays serait possible s’il n’y avait ni Suisses ni Suissesses (toutes horribles !!) ni bons lakistes ni bons alpenstockeux. Tout cela se passe sur 60 lieues de terrain dans une armoire, & on le sent ! – Rendez nous aux merveilleuses filles de Budapest & à la püsta !! – rendez moi Venise, elle a été aussi usée que la Suisse celle là, et cependant elle est inoubliable & toujours admirable ! – Vénitiennes peu belles, mais souvent du caractère. – Enfin Bâle, une ville de demi-aspect mais il y a Holbein ! – Belfort – Troyes – Paris. En vingt cinq jours !! tout cela.
Gouzien voyageur de demi-teinte, ne marche pas, geint quand il n’est pas moëlleusement couché & qu’il n’a pas de glace à râfraichir, mais s’intéresse à toutes les femmes ce qui fait compensation
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– Les actrices du Théatre de Budapest lui ont – nous ont, offert un souper !! Toutes croyaient avoir une réclame dans le Figaro ! – Je les ai laissé se bercer, moi aussi, « moëlleusement » dans ces illusions roses.
À bientôt Vieux pitre ! tu vois que ta lettre nous a été utile : Nous te devons Colico et le Splügen, ce qui est une jolie chose somme toute et bien intéressante au clair de lune. – Il faudra que je revoie la Suisse, peut être modifierai-je mon opinion car je n’ai point de parti pris ni entêtement en voyage, mais je trouve cela banal en bien des points. Peut être en venant de Parisdirectement me fera-t-elle un autre effet qu’en sortant de ces steppes si grandioses, où les troupeaux de chevaux et de bœufs presque sauvages viennent comme dans les paysages bibliques se grouper autour des puits, ou boire, le soir l’eau du Danube, un fleuve étrange qui a l’air d’un lac roulant couvert d’îles désertes, – sans bords, un Mississipi d’Europe. – Tout vous paraît petiot en quittant ces immensités ; – du reste, püsta veut dire : la « sans fin » le steppe.
Il faut que nous revoyïons cela ensemble avec Edmond on achète un cheval excellent pour quatre ou cinq louis – on le revend trois et l’on roule à travers le steppe, – mais Gouzien est un infirme ! Très « Charmant » dans les endroits civilisés, mais effrayé des déserts & de leur « inconfortabilité ». – Je n’ai pas poussé jusqu’à Varna à cause de lui & j’ai effleuré Belgrade !! j’en étais à 18 lieues.
Telégraphiquement À toi & à bientôt. je vais aller en Belgique.
Fély
Je t’enverrai les épreuves du petit volume des Ropsodies Hongroises.
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Texturé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR