Numéro d'édition: 2411
Lettre de Félicien Rops à [Hyacinthe François Kirsch]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Hyacinthe François Kirsch
1829 - 1880/04/27
Lieu de rédaction
s.l.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
MRBAB/AACB/009587
Collationnage
Photographie
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l'Art Contemporain
Illustration
Lettre illustrée
Page 1 Recto : 1
Croquis
À Maucieux Ihasainde Quirge à Liaiche.
Mon Cher Hyacinthe.
Ce pénitent qui s’en va pélerinant avec sa supplique c’est ton vieil ami Félicien Rops bon peintre lequel s'est conduit comme un malendrin & vilain garçon vis à vis de son féal & bien amé compaignon Hyacinthe Kirsch demeurant en la bonne de Liège au pais de Liège.
Veux-tu me pardonner ? & cela avant que je ne me justifie ? Nos vieilles amitiés se doivent bien ces coquetteries & ces délicatesses. Comme la Lesbos de Baudelaire « je tire mon pardon de l’excès de mes fautes » Tu me pardonnes, c’est fait,
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& maintenant je vais te raconter mes crimes & plus circonspect que les vieux juges classiques tu ne chercheras pas « la femme » Hélas ! Il n’y en avait pas ! J’étais en Hollande..
Croquis
La Hollande, – voilà
Ah ! quelle désillusion, moi qui partais pour retrouver la trace des vieux maîtres, pour y voir scintiller dans les fonds d’ombre de Rembrandt les trognes de jean Steen & palpiter en belle lumière les chairs bénies de Rubens ! et les paysages ! les moulins de Ruysdaël ! Ah mon vieux, je trouve un pays qui ressemble à un bain de pied dans lequel on a jeté des épinards ; – des populaces mornes & mélancolieuses, rêvant
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à leur humeurs froides tout en regardant de leurs yeux de chèvre noyée quelque vague tulipe fleurir dans les brumes ; – des femmes qui ne doivent se souvenir de leur cœur que lorsqu’elles ont trop mangé de harengs crus, – ce qui les porte à des actions génératives ; car le mot amour ne se traduit pas en hollandais. Ce peuple gélatineux a élevé la chlorose à la hauteur de l’Épopée. Le sang y est tellement pauvre qu’on est tenté de lui donner un sou ! Ajoute à cela une mer bête qui a l’air d’avoir creusé la Zuiderzée. pour pouvoir y dormir à son aise.
Et voilà comment j’ai attrapé la rougeole – une vraie rougeole ! « Dieu effrayé » des gamineries auxquelles je me livrais dans un âge mur, a tenu à m’envoyer une excuse présentable qui put me tenir en estime auprès des notaires & des êtres graves ; – ce bon vieillard a donné des preuves de l’état d’enfance dans lequel j’étais plongé jusqu’à ce jour en m’envoyant cette « irruption » comme dit mon médecin ordinaire.
C’est alors que tu m’as écrit, les lettres ont été flaner à Thozée, à Namur, à Bruxelles,
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il y avait tellement longtemps qu’elles couraient les chemins comme de simples gueuses, que j’ai rerougi, rougeoli veux-je dire de leur répondre ! – il était trop tard. – Cela n’empêche pas, Cher Hyacinthe que je suis à ta disposition pour peindre lithographier, graver sur cuivre ou sur airain tout ce que tu voudras.
En attendant je viens à Liège pour y applaudir Mlle Vercken, je fais courir après toi par tous tes commissionnaires que je rencontre afin que demain nous échangions le pain & le sel dans un restaurant sérieux.
À toi & à demain
Fély
Il est décidé que tu dînes demain avec moi ou que nous soupions ce soir.
Mlle Vercken me prie de te rappeler que tu lui as promis d’assister à son concert de ce soir – J’y serai !
À toi
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages.
Copyright
Ro Scan, J. Geleyns
Personnes citées
Tags
Remarques
Cette lettre a été publiée par Maurice Kunel dans « Lettres inédites de Félicien Rops à Hyacinthe Kirch », La Vie Wallonne, t. XXIV, n° 249, 1er trimestre 1950, p. 11-13