Numéro d'édition: 2260
Lettre de Félicien Rops à [Homme inconnu]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Homme inconnu
Lieu de rédaction
s.l.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6958/113
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
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Cher,
je reviens de Buysingen, je ne voulais pas y aller avant que tu n’aies reçu l’argent, parce que en apprenant que mon crédit était épuisé chez Breuer, il aurait peut-être fait des objections, ce que je ne voulais pas. – Enfin l’affaire s’est arrangée, sois tranquille, il engagera Breuer à m’accorder ces 500 francs en plus, de crédit, et je les lui donnerai, à lui : Jules Herman. Toi tu trouveras ces 500 francs à l’échéance, tu les porteras chez Malassis41 R. Dauphine & le tour sera joué. Seulement fais attention à ne pas mettre Malassis dans une foutue position ! –
Voilà donc une chose faite. Comme je l’écrivais à Gouzien, mon ami, je suis à la fois embêté & charmé que tu retournes à Paris, – tu aurais fini par le regretter ce vieux Paris ; nous sommes trop vieux pour changer nos gants & notre vie & Paris sera toujours notre « centre naturel ». Quant à moi je suis parfaitement décidé à ne plus s’occuper que de la Vie moderne. Seulement je veux être certain de sa réussite et ne faire donc la chose qu’à coup sûr.
Dans quelques jours je vais envoyer à Armand une machine à faire reproduire pour faire un premier essai. J’achèverai pendant ce temps l’album de guerre pour donner un coup de Tam-tam et
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nous irons de l’avant. Mais attention ! Si nous avons l’argent il ne s’agit pas de risquer la chose à l’aveuglette : Je suis moi parfaitement décidé à faire tout ce que je peux pour arriver à un résultat il ne s’agit plus ici de paresse ou de flânerie, c’est une question sérieuse ou la position matérielle de mes meilleurs amis est en jeu, par conséquent vous auriez le droit de douter de moi, si je ne travaillais pas sérieusement à notre œuvre, seulement je trouve bête de s’épuiser en efforts inutiles pour « faire un essai ». – Nous n’avons plus le temps ni les uns ni les autres de faire des essais. Je veux que « notre journal » soit monté de la façon la plus sérieuse, – avec un Directeur et une administration surtout ! Surtout !! – Le Directeur sera Armand, mais il lui faut un excellent administrateur-gérant, où nous ne feront rien – nous n’aboutirons pas. Il faut des Bureaux dans lesquels nous puissions Armand et moi être logés au besoin. Tu comprends que je vais devoir faire la navette entre Paris et Bruxelles. – C’est une rude besogne de chaque jour que nous entreprenons là un journal illustré, une fois par semaine, nécessite presqu’autant de travail qu’un journal quotidien. – non illustré. Les mises en pages, les mises en train des dessins l’aspect du numéro tout cela est fort fort compliqué – sans en avoir trop l’air. Moi n’étant pas régulièrement à Paris et ne pouvant me charger des besognes d’à-propos et d’actualité Armand devra diriger une brigade de dessinateurs.
Notre journal je le maintiens, ne peut avoir de chances de stabilité qu’en étant exclusivement l’organe du Monde InternationalParis, Londres, St Petersbourg, Vienne, Rome, Weimar, Berlin, New York. – Il faudra donc se créer des relations & des correspondants & trouver des dessinateurs
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qui nous enverrons des impressions de tout cela et créer tout cela avant que le journal paraisse. Il faut vingt planches d’avance. Tu vois donc comme je te l’ai dit que si nous paraissons dans quatre ou cinq mois l’affaire sera superbe. Je vais faire ces planches en lithographies et eaux fortes dès que l’album de guerre sera sorti et il le sera vite je t’assure. Je serai à Paris dans quelques jours, vers le 10 mars avec les pierres à tirer.
Ne nous écartons pas de notre programme adopté : Faire la Vie Parisienne plus aristocratique & plus littéraire. – La même chose avec le meilleur ton et la note cosmopolite note qui doit nous faire protéger par le monde vrai à Vienne à Paris – comme à St Petersbourg & à Londres. N’oublions pas que c’est notre avenir à nous trois que nous allons jouer. Il est nécessaire que l’Album de guerre paraisse avant la Vie moderne à cause du bruit que vous organiserez autour de cela. Voilà je crois les épouvantables et terribles choses par lesquelles nous avons passé éloignées, Le calme nous revient c’est le coche, ce terrible coche qui ne s’arrête pas et sur le marche pied duquel il faut sauter en s’accrochant à la mèche du conducteur chauve, – le coche que l’on manque si souvent qui va passer. Bouclons nos malles, tenons nous prêts et ne ratons pas le coche ! – Nous devrions faire à pied de longues routes boueuses et avec des souliers troués qui serait assez sciant. Je parle pour moi comme pour vous mes chers vieux. – Je suis un gaspilleur d’argent,
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& j’en manque souvent, ne voulant dépendre que de moi. – Ceci sera une garantie de plus de la sérieuse activité artistique que je déploierai comme production si je vois l’affaire établie. – De plus tu comprends que si elle devient d’une grande importance j’irai habiter Paris au moins pendant la plus grande partie de l’année et les dessins n’en marcheront que mieux.
Donc le 10 mars les pierres marcheront aussi. Ceci naturellement est écrit pour vous deux. Le livre de Banville paraîtra également vers Juin. – Je fais les premiers croquis cela est charmant à faire ! et lancé par Malassis avec force reclames, cela fera aussi du bruit dans Le landerneau des Arts.
Et des eaux-fortes tirées « dans le texte » ! Ah ! comme les Marillier ! – cela ne s’était plus vu depuis Mr de la Popelinière !
Enfin je suis remonté non seulement sur ma Rossinante mais j’ai des chevaux de rechange : Bucéphale et Pégase en sont !
À Vous Chers
Fély
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Lisse, Crème.
Dimensions
215 x 276 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR