Numéro d'édition: 3428
Lettre de Félicien Rops
Texte copié
N° d'inventaire
CPW/7
Lieu de conservation
Collection privée
Apostille
1ère lettre
Aucune image
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Jeudi matin
Mes Chers amis
Comme je vous l’ai dit hier je reconnais parfaitement que j’ai fait une forte boulette, mais je l’ai faite dans les meilleures intentions du monde & vous me connaissez assez pour savoir qu’aucune pensée d’intérêt autre que l’intérêt de la famille Dubois ne pouvait entrer dans ma tête. Mais mettez vous a ma place ! Comme le dit très bien Van Camp vous étiez autorisés par ma lettre du 18 mai à agir comme vous l’entendiez. – Je vois Roquebert ici & je m’informe, il ne savait rien, je t’écris et en réponse je reçois la lettre du ministre ! Je crois naturellement que c’est une façon de me répondre par Rousseau comme je venais d’écrire à Edmond, l’idée de lui réécrire à nouveau ne m’est pas venue et tout cela ne serait pas arrivé si vous m’aviez écrit : « Mon Cher Félicien nous sommes en pourparlers pour les tableaux on t’écrira probablement, fais attention Voici nos prix. » – Je ne suis au courant des prix de rien, et je me suis rappelé
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seulement les prix que le Gouvernement offrait des tableaux de Dubois – j’ai été bien souvent trouver Van Soust, – une seule fois il m’a offert mille francs pour un tableau de Dubois – une nature morte de trois mètres ! – une merveille de couleur, je suis sorti avec les larmes aux yeux, ne voulant pas pour l’honneur de Dubois accepter une aumône, car on n’achetait pas le tableau pour le Musée, on en aurait fait cadeau au Musée de Mons, la peinture de Dubois était bannie de cette halle à tableaux du Musée Moderne ! on ne le trouvait pas assez peintre ! – Partant de ces précédents je me suis dit que 1500 francs actuellement feraient plaisir et j’ai fait un prix que le Gouvernement ne pourrait pas refuser, comme je trouvais cela bien mince ! j’ai pensé aux deux petits tableaux qui restaient chez Camille Blanc & que je n’avais pu envoyer & dont je vous ai parlé. Il y a eu là un bien regrettable conflit mais je le crois réparable. – Si j’écrivais ceci au ministre :
« Monsieur le Ministre,
Je vous prie de m’excuser mais lorsque j’ai écrit la lettre en réponse à votre honoré du….. Je ne connaissais ni le prix réel des tableaux de Dubois – que sa mort a triplé – ni la véritable situation de la famille. Ces deux circonstances, en me créant de
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nouveaux devoirs me forcent à annuler ma lettreprix quidonc à la famille, Dubois. laisse sans ressources une veuve & trois orphelins, je crois que le moment est venu pour notre Pays de donner une réparation tardive à la mémoire de notre pauvre ami qui fut véritablement un grand peintre. – En ce faisant le Gouvernement Belge fera à la fois un acte de Justice & un acte d’Humanité. Auquel Et comme je vous l’ai dit en commençant Monsieur le Ministre, vous voudrez bien me permettre de m’associer àces bonnes actions ce quiende la som du prix auquel j’ai acheté le tableau.
Ce sera comme je vous mon excuse auprès de vous.
Agréez
Au recu de la lettre que je vous écris, mes Chers amis télégraphiez moi si je dois l’envoyer à l’instant,
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et nous gagnerons un jour, ce qui est beaucoup. – Télégraphiez moi également le prix demandé, celui que je dois mettre dans la lettre.
Tes exhortations étaient bien inutiles Mon Cher Edmond, j’ai soutenu Dubois plus qu’on ne le croit & il ne fallait pas d’ailleurs qu’on le crût ! Si je te le dis, c’est parce que tu as eu l’air de douter de moi en ces dernières circonstances, ce qui m’a un peu étonné et peiné. Dubois n’a connu la véritable misère & la plus cruelle, que lorsque j’ai eu fini de ma fortune personnelle (car quoiqu’on en dise je n’ai jamais mangé un traître sol de la fortune de ma femme & de mon fils – ce que je pouvais faire, & c’est mon honneur,). En quittant Bruxelles, je savais que j’allais laisser derrière moi dans toutes les tristesses d’une lutte incessante et stérile ce pauvre grand artiste & mes soucis s’en accroissaient. J’ai voulu l’avoir avec moi ici. Je savais que je m’en tirerais & on aurait partagé les bons et les mauvais jours comme avant. Je crois que je l’en aurais tiré aussi. Encore une fois je te dis tout cela parce que mes amis, & vous êtes des meilleurs ne doivent pas douter de moi pour certaines choses.
À vous Mes Chers Vieux & je compte sur vous pour nous tirer de ce mauvais pas
Félicien Rops
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