Numéro d'édition: 3411
Lettre de Félicien Rops
Texte copié
N° d'inventaire
CPR/1
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Collection privée
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Il ne faut donc se plaindre que peu mon Cher Ami, & sous une forme légère, rien que pour ajouter une ou deux scabieuses au front voilé de la Peine ; et ne pas se repentir surtout ! Tout repentir & tout regret sont des lâchetés.
J’ai commis deux ou trois crimes dans ma vie, peut être plus en regardant de près. J’ai évidemment parfois, comme un lansquenet dans les villes mises à sac, « forcé » quelques filles, et de cela, je ne regrette que l’ivresse que j’avais aux tempes, et l’étrange saveur d’étranglement que la glorieuse Luxure, mère des hommes & des races, me faisait monter à la gorge.
Il ne faut donc ni se repentir, ni se plaindre.
Nos fautes, filles des joies & des faiblesses de nos Ascendants, dont les poussées de sang font encore battre nos artères, ne sont pas à déplorer. Il n’y a qu’à en subir les suites, en remerciant les Dieux qu’elles n’aient pas été plus cruelles.
L’Amour des femmes, comme la boîte de Pandore, renferme toutes les douleurs de la vie, mais elles sont enveloppées de paillon d’or, elles ont si brillantes couleurs & de tels parfums qu’il ne faut jamais se repentir de l’avoir ouverte. Ces parfums éloignent la vieillesse et gardent en leurs relents les fiertés natives. Tout bonheur se paie, & j’en meurs un peu de ces doux & subtils poisons envolés du fatal coffret ; et cependant mes mains que l’âge rendra bientôt tremblantes, trouveraient
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encore la force d’en briser les serrures défendues.
Tu vois que la Philosophie chère au vieil Anacréon me console. C’est la grande Solanée, bonne aux souffrances humaines.
Puis, qu’importe et la Vie, et la Gloire et l’Œuvre » ? Je donnerais tout cela pour les heures bénies, ou par les nuits d’été, ma tête a dormi sur deux beaux seins, modelés sur la coupe du roi de Thulé, et comme elle, maintenant emportés par les flots !
Ton fidèle
Félÿ
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