Lettre de Félicien Rops

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Oui, je le répète Mon Cher ami, les hommes qui se sentent, réellement sympathiques les uns aux autres, & en belle communion d’idées, devraient vivre en un Port-Royal quelconque assez près et assez loin de Paris, et des autres hommes ; vivre de peu, & passer cette si rapide vie à disserter sous de beaux ombrages, avec des gestes simples & peu nombreux, en goûtant tout le charme d’échanger de nobles cérébralités.

Pour l’instant, n’ayant personne avec qui causer, je passe des heures en admiration devant mon mimosa nemu, entre temps je fais des croquis, – comme celui-ci-dessus, pour le frontispice de ma deuxième

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série des « Œuvres Inutiles ou Nuisibles » oh oui ! Œuvres Inutiles ! dans cent ans tout ce griffonnage ne sera plus connu que de quelques vieux iconographes ! Et encore !! J’aime bien mieux retourner à mon mimosa ! L’adorable plante ! Ses houppes roses ailées au milieu de ses feuilles pennéesde sensitive, ont l’air de baisers qui auraient des aîles. Pourquoi ne la voit-on pas dans tous les jardins, & que je sois presque seul à la posséder ? Et cependant devers 1872, le bon père Van Houtte, son interlocuteur, lui avait consacré dans son catalogue une jolie-réclame dans le style gantois-tintamaresque qui nous mettait en si bonne gaieté ! « Avez vous gardé ressouvenance, s’écriait le père Van Houtte, de ces longues soies roses réunies en grosses houppes qui ornent avec tant d’élégance les ramules de certains Ingas ? Vous vous rappellerez au moins les longues étamines rayonnantes qui forment les bouquets du Matrosideros Semperflorens ! Eh bien l’Acacia Nemu vous montrera sous notre ciel boréal, à deux mètres de hauteur, ses capitules du plus beau rose, autrement gracieux que ceux des goupillons raides du Matrosideros ! etc, etc. etc.

Et voilà comment en 1889 je suis « propriétaire » de cet idéalité, auprès de laquelle Zola paraîtrait bien laid !

J’oubliais : j’ai assisté à un mariage « de convenance », et comme témoin encore ! Retourne la page, voilà ce que j’en pense. Il me semble que j’ai trempé dans un assassinat. Une seule chose me paraît grande, belle, noble dans ce sacrement : c’est l’adultère ! la revanche de la Liberté & du libre arbitre contre l’Éternel esclavage antique. L’artiste, le poète, ou le cabotin errant, comme notre pauvre ami Glatigny, qui font cocu un « bourgeois » leur ennemi né, accomplissent œuvre pie, & même un devoir !

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