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J’ai envoyé à Taelemans un grand dessin La Tentation de St Antoine. J’ai rêvé cela. J’ai voulu tout simplement peindre une belle fille dont j’ai toujours été très amoureux & voilà tout. Je ne sais pas si je suis « vieux jeu ou nouveau jeu » ce que je disais à quelques uns de nos amis mais je me fiche de cela je me laisse aller à mon sentiment & à ma nature & je ne veux pas en savoir plus long. – Dis moi ce que tu penses de cela Je sais que tu es de ceux qui ne voient pas avec une petite lunette. Le dessin est 277 Rue Rogier à l’atelier de Taelemans.
Nos lettres dernièrement se sont croisées. Comme tu as pu le voir nos pensées étaient d’accord. Que je voudrais t’avoir ici, tu me manques plus que je pourrais te manquer, & ta conversation tonique claire & bien portante me ferait grand bien. – Malassis est mort, spirituellement
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et nettement comme il avait vécu. Grande perte que celle de ce vrai Français. Le vaillant esprit ! Je me trouve seul depuis qu’il n’est plus là. On ne fait plus d’amis à quarante ans, et je regretterai celui là toujours. – Il a beaucoup souffert moralement & physiquement, mais il est mort comme un sage antique. – Les études que j’ai à Artan ne sont guère vendables, cependant si tu crois que cela peut alléger la misère de sa famille, je t’expédierai les plus faites avec des étoffages. Où es-t-il ce pauvre garçon ? Il m’a écrit une lettre de Flessingue ou plutôt de Braeskens mais avec réponse à Flessingue. Triste. – À bientôt, porte toi bien & travaille bien comme un vaillant & un bon peintre que tu es. Embrasse ma filleule & ta femme pour moi. Tes affaires vont-elles bien ? Es-tu content ? – J’irai à Bruxelles dans quelques semaines & je serai bien heureux de vous voir tous. Toute la maisonnée de la rue Mosnier te fait des Compliments. Je vais aller demeurer rue de Contantinople au quinze avril.
À bientôt mon vieux, écris moi vite. Je t’embrasse Ton vieux
Fély
Paris le 23 fév 1878.