Numéro d'édition: 3340
Lettre de Félicien Rops à [Paul Théodore Joseph Rops]
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Destinataire
Paul Théodore Joseph Rops
1858/11/07 - 1928/09/10
Lieu de rédaction
Bruxelles
Date
1883/08/01
Commentaire de datation
Datation sur base du cachet postal d'envoi.Type de document
Lettre
N° d'inventaire
FFR/LE/35
Collationnage
Scan
Date de fin
1883/08/01
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops, Fonds Félicien Rops
Page 1 Recto : 1
Bruxelles mercredi.
Cher fils Bien-Aimé
tu me fais faire des folies, je devais être rentré hier & au travail depuis longtemps, mais j’ai rencontré en arrivant, Robyns qui a été Consul Judiciaire à Constantinople, & j’ai vu dans le journal que Mr d’Aspremont-Lynden était à Bruxelles, parceque « l’éminent orateur de la droite » comme l’appelait le journal avait prononcé un fort discours au Sénat. Je suis allé hier chez lui, il n’y était pas, j’y retourne aujourd’hui. J’en serai quitte pour donner un coup de collier plus tendre en arrivant, mais j’en ferais & j’en donnerais bien d’autres pour toi ! Il y a deux façons de prendre la carrière : par la magistrature en y entrant, & en se donnant pour but le consulat judiciaire qui mène aux autres places de la diplomatie de la même façon & l’autre par les bureaux ne t’effraie pas de ce mot « bureaux » on y taille des plumes & on n’en taille pas longtemps parce que l’on vous envoie immédiatement autre part, à l’étranger.
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Si l’étranger vous ennuie, vous revenez vous rentrez au ministère & quand vous voulez faire un voyage vous demandez une mission & cela s’accorde toujours. Ainsi hier j’ai été présenté à un fort aimable jeune homme qui sera probablement pour toi un ami futur, un Mr qui est au ministère des affaires étrangères, il a été attaché à Constantinople, les voyages ne lui vont pas, ou du moins « les séjours », il reste à Bruxelles, demande des missions, pour faire de jolis voyages & revient tailler ses plumes.
« Si j’étais docteur en droit me disait-il c’est la plus aimable carrière que l’on puisse trouver, ce sont ceux qui ne taillent pas les plumes ceux là, on a l’œil sur eux, ils travaillent, et naturellement nous passent sur le corps & sont nommés secrétaires d’ambassade en rien de temps ».
Seulement Robyns me disait que en entrant dans la magistrature, on avait deux cordes à son arc & puis chose énorme, on y rentrait quand on voulait, ainsi Robyns ennuyé de son séjour à Constantinople parce que c’est un enfant gâté & qu’il trouve tout mauvais comme nourriture etc etc etc, est rentré à Bruxelles, il est juge & sera conseiller. Cela n’est pas si bête. Et l’on garde son droit d’avancement dans la magistrature, tout en appartenant au Corps diplomatique. Étudie cela !! Tes opinions catholiques ne sont pas encore un obstacle, puis quelque drapeau que l’on ait, puisque l’on appelle cela un drapeau, il n’est pas absolument nécessaire de se moucher dedans chaque fois que besoin est, & de
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l’agiter toutes les cinq minutes pardessus son chef, comme les naufragés de la Méduse !! Tu as tes opinions garde les, mais n’y apporte pas d’excès de mauvais ton ni d’ostentation inutile, voilà tout ce que je te demande. – Je t’écris à la hâte grandfils chéri sur un coin de table d’hôtel avec de l’encre qui a un ton pisseux bien déplaisant, & une plume qui a dû être arrachée à la colombe de Noé, tellement elle est vieille & dépenaillée.
Soigne bien ta chère mère, je n’ai pas besoin de te demander de ne pas lui faire de peine, tu as trop de cœur pour que ces choses là te soient recommandées, mais soigne là. N’oublie pas que depuis la mort de notre pauvre petite Juliette tu es son fils & sa fille, & songe aux responsabilités de tendresse que cela te donne, & où à la dette d’amour filial que son dévouement de toutes les minutes pour toi te laisse à payer.
J’ai été si heureux de me trouver entre vous deux que j’en rajeunis ! Que veux-tu grand Chéri je t’ai dit que tu n’avais pas retrouvé seulement un père qui t’aime mais un grand frérot.
Je t’embrasse avec mes grands bras qui rendent tous les baisers que je n’ai pu te donner & que j’avais gardé pour toi en exil, & embrasse bien ta mère pour
Ton père qui t’aime à la folie.
Félicien Rops.
Je pars dans « deux heures » tu m’écriras vite.
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J’ai été étonné de Bruxelles la ville est merveilleuse & franchement je regrette bien de ne pouvoir l’habiter. Si tu entres d’abord dans les bureaux du reste, tu auras bien souvent ton grand frère & ton vieux père sur le dos ! –
Et puis petite mère viendra aussi passer un ou deux mois d’hiver comme je la connais.
Ton – Votre
Félicien
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Quadrillé (quadrlllage carré), Blanc.
Dimensions
210 x 273 mm
Mise en page
Écrite en Plume Sépia.
Copyright
Photographie Vincent Everarts