Lettre de Félicien Rops à [Paul Théodore Joseph Rops]

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J’ai reçu hier ta bonne lettre qui m’a fait très grand plaisir. Je n’ai à y faire qu’une petite objection, alaquelle j’espère que tu feras attention : c’est que tu dois absolument soigner ton écriture qui s’est tout à fait déformée. – Écrire mal est non seulement une preuve d’intruction peu soignée, mais c’est encore, & surtout une marque de mauvaise éducation, c’est presqu’un manque de savoir-vivre. Tu feras bien Cher fils de te remettre à Bruxelles à prendre quelques leçons de calligraphie.

Le mariage de Mr Gouzien est remis au vingt quatre du mois, mais tu comprends que je ne vais pas attendre ici douze jours lorsqu’il y a si longtemps, un mois bientôt que je suis séparé de vous. – Je partirai Jeudi pour Bruxelles. – Je reste demain mercredi pour assister à l’ouverture de la grande exposition des orientalistes pour laquelle Mr Godebski & Mr Louis Artan arrivent demain soir. Ils ont annoncé leur arrivée aujourd’hui par un télégramme adressé à Mr Armand Gouzien.

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Mr Godebski restera peut être & probablement jusqu’au mariage de Gouzien. Quant à Louis Artan je ne sais trop ce que l’Orient a de commun avec la mer & je ne comprends pas encore sa présence à Paris dans un moment où Paris est aussi désert que Schaerbeeck. – Tu ne sais peut être pas Cher Paul ce que c’est qu’un Orientaliste ? Un Orientaliste est un homme qui s’occupe tout spécialement, d’Art de Science ou de littérature orientals. Le Japon & la Chine font partie de l’extrême Orient. Ainsi qu’and nous tâchons de nous faire une collection de productions Japonaises nous sommes des Orientalistes sans le savoir, – de petits Orientalistes par exemple, car il y en a de terriblement grands ! – Ainsi demain nous allons voir la collection de Mr Cernuschi. Mr Cernuschi est un Italien qui après avoir gagné beaucoup d’argent à la Bourse, au lieu d’y être ruiné comme la plupart des gens qui jouent à ce jeu dangereux, est parti pour la Chine & pour le Japon afin de réunir tout ce qu’il pourrait trouver d’antiquités de l’extrême Orient. – Aidé d’un certain Mr Duray ou Duret, un ami de Mr Malassis qui m’a présenté hier à lui, ils ont avec beaucoup d’intrépidité mais aussi beaucoup d’argent enlevé tout ce qu’ils pouvaient trouver de bronzes anciens ; – et entr’autres choses admirables une idole de Brahma, colossale, en bronze massif ! Il y a peu de porcelaines à ce qu’il paraît, mais tout ce que l’on peut imaginer de plus beau, de plus riche & de plus rare en fait de bronzes. Il y a des bronzes

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qui remontent à 2,000 ans (deux mille ans !) avant la venue du Christ ! – Et des peintures Japonaises merveilleuses ! J’ai eu déjà un avant-gout de cette exposition, ce Mr Duret m’a montré un album de dessins coupés qui est une collection de dessins de toutes les époques faite par un peintre japonais pour son usage personnel. Nous sommes restés stupéfaits d’admiration. Cet album ne sera pas exposé. Les propriétaires ont peur qu’on ne l’abîme en le feuilletant ; mais je suis très heureux d’avoir pu le voir.

Samedi je serai à Thozée & bien heureux d’y être, près de la chère petite mère, & près de toi. Ici, il pue, il fait triste, & on est mangé de punaises & d’une espèce nouvelle ! : jaune pâle ; elles m’ont encore l’air de m’aimer plus que les anciennes. Les Parisiens attribuent cette nouveauté entomologique aux Prussiens ; – naturellement. La chambre d’Armand Gouzien est une petite arche de Noé, – on y trouve tous les animaux. Je pars comme je te l’ai dit plus haut après demain pour Bruxelles. Je dois y rester le vendredi pour affaires & Samedi j’espère arriver à Thozée. – J’écrirai à ta bonne petite mère d’ici là. – Sois toujours bien obéissant & embrasse la pour moi comme je t’embrasse : à grands bras.

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