Numéro d'édition: 2867
Lettre de Félicien Rops
Texte copié

Expéditeur
Félicien Rops
1833/07/07 - 1898/08/23
Lieu de rédaction
Corbeil-Essonnes, Demi-Lune
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6655/469/54
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
La Demi-Lune Essonnes S. & O.
Mon Vieil,
Excuse moi de ne pas t’avoir répondu, mais j’ai été très très maladetrès ; te raconterai cela, quand tu viendras. Je t’attends pour te narrer toutes ces tracasseries de Dieu, mettons du Diable si tu veux, cependant nous sommes amis.
– Tu remporteras des eaux fortes & le petit tableau d’Émilie qui ne représente que des bouleaux ardennais en Avril. Mais je crois cette étude bonne.
Je suis encore convalescent mais la tête est d’aplomb. Guarda la Cabeza !! disaient nos guides de la Sierra Nevada, lorsque nous allions de Grenade à Malaga par la montagne. Si tu vas en Espagne fais cela, & fous-toi des chemins de fer, faits pour ne rien voir.
Ah ! Mon vieux ! j’ai failli dégringoler et lâcher la rampe. C’est très drôle, je m’en fichais comme d’une guigne.
Ma tête n’a pas déménagé. Quelques minutes seulement. – Sois toujours prudent avec les mourants : Ils entendent tout ! – Si tu te proposes l’Algérie il faut choisir l’Est ou l’Ouest. J’ai fait les Deux. Moins l’Est que l’Ouest. Je n’ai guère été qu’à douze lieues audelà de Tlemcen. Mais à l’ouest j’ai été loin : à mi chemin de Tuggurt & de Ouargla,
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un joli métrage de vrai désert je t’assure. Mais j’y retournerai, si l’on va à Gadhamès ou Ghadamès, la ville mystérieuse des Touaregs, j’irai, n’importe comment. Ce Sahara m’attire invinciblement. – Ah oui ! rude hiver / et Bruxelles doit en savoir quelque chose, car c’est bien la ville ou l’hiver m’a paru le plus dur, – toujours. À Paris, je ne sais pas, mais on ne s’aperceoit guère de la violence des gelées, et l’on était surpris de voir la Seine prise. Cela avait l’air d’une plaisanterie.
Enfin tu vas bien ? Toi & les tiens ? Ah ! la santé ! c’est là l’important !
À bientôt Mon Vieux, Merci encore une fois de tes lettres, mais je ne pouvais y répondre. Défense de lire & d’écrire & de dessiner & de converser, & de galantiser & de caresser la dive bouteille ni sa mie ô gué, ni rien du tout ! J’aimerais mieux crever & pourrir au grand soleil comme les charognes de gueux que de vivre ainsi ! Mais c’est très drôle, je me suis aperçu que je me fichais de la vie, & que j’avais du sang du Cid Campeador en mes veines. Je ne m’attendais pas à celle-là. Par exemple !
À toi bien Mon Vieil, & belles amitiés aux tiens.
Ton fidèle
Fély
Liesse toujours le même, vivant de ce qu’il peut trouver. Il est fou à lier au fond, voilà mon opinion nette : un fou tranquille & monomane, mais fou.
Moi j’en ai long va, à te raconter !
F.
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Je suis ici à la Demi-Lune, mais écris place Boieldieu. Demain je reprends mon travail. J’en suis heureux, mes yeux vous retrouver le rose ardent des cuivres. Ils en étaient privés. Il faut que je fasse des belles choses vois-tu ou j’y creverai pour de bon, cette fois. Que veux-tu je suis des derniers qui croient à l’Art et qui vivent pour cela.
F
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Vergé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR